Avec la mort de Cannelle, c’est une perte irrémédiable que connaît la faune française. Elle était la dernière ourse des Pyrénées, la dernière femelle d’une population d’ours systématiquement détruite au long du XXème siècle. Et c’est une fois encore sous les coups de chasseurs que ce trésor national écologique a péri.
One Voice ne pouvait laisser ce crime contre la nature sans réponse. Une plainte a été déposée "pour destruction d'espèce protégée" auprès du Procureur de la République de Pau. Localisés dès le 30 octobre Les faits se sont produits le lundi 1er novembre. La présence de Cannelle et de son ourson avait été repérée par des naturalistes du FIEP-Groupe Ours Pyrénées, dès le samedi 30 octobre. "Ils ont trouvé des indices frais de la femelle et de l’ourson dans le secteur, ils ont immédiatement prévenu M. Camarra, coordonnateur du Réseau Ours Brun, qui a à son tour prévenu le Directeur de l’Institution Patrimoniale qui a indiqué aux chasseurs la présence de l’ourse et l’ourson afin de préserver leur tranquillité" souligne le FIEP.
Espèce protégée La fédération départementale de chasse des Pyrénées-Atlantiques relaye l’information auprès de tous ses adhérents. Comme l’ours est protégé par la convention de Berne et par la directive européenne «Habitats», il est interdit de le tuer. Donc, il était formellement interdit d’organiser une chasse sur le territoire de l’ours.
Il n’empêche, ce funeste lundi, un groupe de six chasseurs de la commune d'Urdos, en vallée d'Aspe, partent effectuer une battue aux sangliers avec leurs chiens. Selon le témoignage, pour l’instant invérifiable, des chasseurs, repris par la préfecture de Pau, l'ourse Cannelle et son ourson se seraient retrouvés face au groupe. La femelle se sentant menacée aurait commencé à attaquer les chiens, mordant l’un d’entre eux. L’un des chasseurs aurait tiré en l’air ce qui aurait fait fuir Cannelle. Puis elle serait revenue vers les chasseurs, chargeant l’un d’entre eux qui a alors tiré sur l’animal à bout portant. L’ourse blessée a agonisé plus loin. Sa dépouille a été retrouvée trois heures après le drame. Son petit, un mâle de 10 mois pour autant qu’il soit possible de le savoir, est seul au monde.
Pour prévenir toute autre catastrophe, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris, mercredi 3 novembre, un arrêté préfectoral pour suspendre la chasse et les promenades avec chiens dans la zone où se trouve l'ourson orphelin, jusqu’au moins à la fin de l’année. La zone d'exclusion concerne les communes d'Urdos et d'Etsaut. Elle couvre une superficie de près de 8.000 hectares. Elle est susceptible d’évoluer au fil des déplacements de l’ourson.
Car c’est maintenant la survie du petit de Cannelle qui est en jeu. Et le pronostic est très sombre. Il n’est pas encore sevré, il ne sait donc pas s’alimenter seul. De surcroît, sans la protection de sa mère, il est une proie facile, encore peu expérimentée aux dangers de la nature. Les associations, unanimes, laissent entendre que l’ourson ne survivra pas. Car en principe, il aurait dû hiverner avec elle et vivre à ses côtés les 18 premiers mois de sa vie. Optimisme ministériel Cependant, le ministère de l’Ecologie fait preuve d’optimisme. Pour lui, "les services de l'Etat mettent tout en oeuvre pour localiser l'ourson, quasiment en situation de sevrage." Et selon Serge Lepeltier, l'ourson "connaît le territoire où il est" et peut survivre si on lui ménage "un espace de très grande tranquillité" tout en complétant sa nourriture "sans imprégnation humaine."
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a d’ailleurs confirmé les propos rassurants de son ministre: "l'ourson n'est pas tout petit. La nourriture est abondante là où il vit. S'il n'est pas dérangé, ses chances de survie sont sérieuses". Et l’ourson ne sera pas capturé mais "laissé en liberté dans son milieu naturel". Pour le représentant de l’Etat, il y a lieu d’avoir bon espoir dans la mesure où les deux petits de Melba, tuée par des chasseurs en 1997 en Haute-Garonne, avaient réussi à se tirer d’affaire.
Par ailleurs, et alors que le Président de la République a déploré en conseil des ministres, la perte tragique de Cannelle, le ministre de l'Ecologie a décidé de se rendre jeudi 4 novembre, dans les Pyrénées-Atlantiques pour faire "un point très précis" avec les services de l'Etat afin de "faire en sorte que cela ne se reproduise pas". "C'est une catastrophe écologique puisque c'était le dernier ours femelle de souche pyrénéenne" a-t-il déploré avant de lancer une enquête sur les circonstances exactes du drame.
Il n’empêche, avec la décision dans le cadre du "plan loup" d’autoriser l’abattage de quatre loups, dont deux ont d’ailleurs déjà péri, le ministre a créé un climat favorable à ce type de catastrophe. En effet, tout comme l’ours, le loup est une espèce menacée et protégée par des accords internationaux. En permettant de passer outre ces textes, le ministre de l’Ecologie a créé un sentiment, qui de façon inconsciente pour le moins, brise le tabou lié au respect des animaux protégés. La coïncidence de dates entre la chasse au loup et la mort de Cannelle est en tout cas troublante.
La pauvre Cannelle, qui avait une quinzaine d’année environ, était donc la toute dernière femelle "autochtone" recensée dans le massif des Pyrénées. Après sa mort, il ne subsisterait plus que deux ours de "souche pyrénéenne", tous deux des mâles. La race de l’ours des Pyrénées est donc rayée de la planète. Il n’y en aura jamais plus. En effet son petit avait été conçu avec un ours issu du programme de "réintroduction" de l’ours dans les Pyrénées. En fait, des ours venus de Croatie ou de Slovénie, physiquement semblables, mais au patrimoine génétique distinct.
En comptant avec ces ours, il y aurait une quinzaine d’ours seulement dans les Pyrénées. Il y en avait, selon les chiffres de la direction régionale de l’environnement (DIREN) Midi-Pyrénées, de 150 à 300 individus en 1938, environ 70 en 1954 et seulement de 7 à 8 individus en 1993. Cannelle faisait partie de ces survivants.
La cohabitation entre l’ours, les chasseurs et les éleveurs est, selon l’aveu même de la DIREN, source de conflits. "L’acceptation sociale des ours est "mitigée", avec des oppositions très marquées de certains acteurs locaux mais aussi un soutien important du projet par d’autres acteurs." Des manifestations réclamant la mort de tous les ours avaient eu lieu en janvier 2004. Et lorsque Papillon, le doyen des ours des Pyrénées était décédé, de mort naturelle, son autopsie avait révélé la présence d’une cinquantaine de plombs dans son corps. Deux autres femelles ours ont été tuées par les chasseurs depuis 1993, date du lancement du programme de "réintroduction" de l’ours: Claude à Borce en 1994 et Mellba en 1997.
Source: Site Web One Voice - Novembre 2004
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