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Décidément, le W.W.F. n’en finit pas d’aller de scandale en scandale. Ce qui ne l’empêche pas de bénéficier d’une certaine notoriété liée à un militantisme sectaire pour les uns et une naïveté déconcertante pour d’autres notamment chez les élus et certaines entreprises obsédées par le «greenwashing».
Depuis les origines de sa création jusqu’à ce qui se passe actuellement au WWF-France en assant par le comportement de l’ONG auprès de nombreuses populations locales d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud.

- W.W.F.: coup de bambou sur le panda

Salariés poussés sans ménagement vers la sortie, trou de plus de 1 million d'euros dans les caisses : l'antenne française de l'ONG va mal. La direction est aussi accusée de tricoter des partenariats douteux avec des multinationales et d'autres entreprises bien peu soucieuses de l'environnement. Bref, de brader le label du panda
Dans son milieu naturel, l'espérance de vie d'un panda dépasse rarement les 20 ans. En novembre dernier, le WWF France, l'antenne hexagonale du World Wildlife Fund, acélébré son 40e anniversaire. Le ban et l'arrière-ban du petit milieu écolo se sont donc pressés au Muséum d'histoire naturelle, à Paris, pour fêter dignement cette remarquable longévité. Parmi les «people», l'animateur multicartes Nicolas Hulot, le photographe Yann Arthus-Bertrand ou l'ami des oiseaux Allain Bougrain-Dubourg. Même le ministre vert de l'époque, Pascal Canfin, et Marie-Hélène Aubert, «Mme Environnement» à l'Elysée, ont claqué la bise à l'ours bicolore, devenu la mascotte de l'ONG. Une ambiance paillettes et bon enfant qui tranche avec la crise profonde que traverse le bureau français. Les rares salariés qui acceptent de s'exprimer - et uniquement sous couvert d'anonymat - dressent un état des lieux terrifiant. «C'est une vraie boucherie d'un point de vue humain», lâche l'un d'eux. «Une boîte aux méthodes pourries. Le droit du travail y est totalement bafoué», ajoute un autre, toujours sous le manteau, de peur des représailles. Michel*, qui travaille encore dans les murs, donne rendez-vous dans un café loin du QG situé sur le verdoyant domaine de Longchamp, en lisière du bois de Boulogne. Ses traits sont tirés, sa nervosité, palpable. Autour d'un Perrier, il raconte l'ambiance étouffante qui règne chez le panda. Délation, ordres contradictoires de la direction, rumeurs nauséabondes... A l'écouter, on se croirait dans l'univers impitoyable d'une banque d'affaires, pas dans celui d'une ONG créée en 1961 par Sir Julian Huxley, un chasseur britannique préoccupé par l'état de la faune et de la flore.

- Direction sourde

De fait, le bilan social de WWF France est calamiteux. Sur la centaine de salariés que compte la fondation, près d'une trentaine sont partis en un peu plus d'un an, écœurés ou poussés vers la sortie. En 2013, 89 arrêts maladie ont été comptabilisés, contre une petite trentaine seulement en 2011. Le turnover annuel dépasse les 30 %. Sur les huit délégués du personnel, cinq ont jeté l'éponge récemment. Trop de pression et de sales coups venus d'en haut. Une dizaine de procédures sont en cours devant les prud'hommes, la cour d'appel ou le tribunal administratif de Paris. De plus en plus consulté par des salariés au bord du burn-out, le médecin du travail a tiré la sonnette d'alarme. Dans un courrier daté du 14 octobre dernier, il parle de «souffrance au travail» et de «détresse». Face à ce mal-être généralisé, la direction reste sourde, comme en témoignent plusieurs comptes rendus de réunions du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) durant l'année 2013. «Si un salarié souffre dans son travail pour X raisons, il doit se poser la question de changer de travail», assène l'équipe dirigeante. «Dès que l'on refuse quelque chose aux salariés, ces derniers trouvent comme solution de se mettre en arrêt maladie», martèle-t-elle encore. Pour toute réponse, les chefs ont juste accepté d' «intégrer dans la grille des risques psychosociaux les abeilles présentes sur le site, parce qu'elles ont fait des essaims dans les arbres.» On se pince : dans les hautes sphères du WWF France, les piqûres d'insectes créent davantage d'émoi que les dépressions nerveuses...
Qui cornaque ces troupes en triste forme? La navigatrice Isabelle Autissier préside. Selon certaines langues, elle ne met pas vraiment les mains dans le cambouis. L'homme fort, celui qui dirige, s'appelle Philippe Germa. L'arrivée de ce docteur en économie à la tête de la fondation le 4 février 2013 n'est pas étrangère à la dégradation du climat interne. Loin s'en faut. Appelé par Isabelle Autissier, cet ancien conseiller du ministre de l'Ecologie Brice Lalonde à la fin des années 80 s'est toujours intéressé à la nature. Mais dans une vision plus Adam Smith que Jean-Jacques Rousseau... En 1993, il crée Natixis Environnement, un fonds d'investissement spécialisé dans le domaine des énergies renouvelables avant de récidiver, en 2005, avec l'European Carbon Fund. Thuriféraire de la green economy (comme son frère jumeau Jean-Michel, pionnier de l'éolien et fondateur de la Compagnie du vent), Philippe Germa épouse à merveille la nouvelle philosophie du WWF qui ne rechigne plus à pactiser avec les entreprises pour remplir ses caisses.

- Une caution écologique

Quand il reprend les rênes de la filiale française, le nouveau DG hérite d'un bilan contrasté. Son prédécesseur, Serge Orru, parti couler des jours heureux dans le cabinet de la maire de Paris, Anne Hidalgo, a multiplié par deux l'activité et placé WWF France sur le devant de la scène à l'occasion du Grenelle de l'environnement. A quel prix? Starisation à outrance, détournement des moyens de la structure au profit d'ambitions politiques personnelles, fautes de management : les reproches qui visent Serge Orru sont égrenés dans une lettre anonyme envoyée le 17 juin 2011 à la présidente et au conseil d'administration. Traumatisé, le DG nie en bloc, porte plainte contre X pour dénonciation calomnieuse. L'affaire, qui conduira à la mise en place d'un audit interne, laisse des traces. L'émission «Cash Investigation», diffusée en mai 2012 sur France 2, en rajoute une louche: un reportage révèle qu'un partenariat a été conclu pour 400.000€ avec le Crédit agricole, alors que la banque investit toujours dans les énergies fossiles. Pour verdir leur image, d'autres géants de l'industrie ou de la distribution — Lafarge, Ikea, Carrefour... — se sont offerts eux aussi, à peu de frais, le label WWF. En clair, l'ONG fait du greenwashing. Pour les militants et salariés de la première heure, le coup est violent. L'intronisation d'un nouveau patron devait sonner, croyaient-ils, le retour aux sources. Au lieu de ça, c'est la douche froide...
Philippe Germa, qui n'a pas souhaité nous répondre, pas plus qu'Isabelle Autissier, malgré nos nombreuses sollicitations, ne change pas le cap d'un iota. Il dissout le conseil scientifique et supprime de nombreux programmes de conservation (marais du Vigueirat, gîtes du Panda) ou d'éducation («Oui au bio dans ma cantine», Goûtons un monde meilleur»), qui ont pourtant façonné l'image du WWF depuis des décennies. «Et conforté la générosité des papys et mamies», rappelle un ancien de la maison. Les grandes entreprises, en revanche, continuent de faire l'objet de toutes les attentions. Germa multiplie les contrats de mécénat, et, plus inquiétant, cherche à les rendre moins contraignants pour les firmes. A Longchamp, un salarié vérifiait jusqu'ici que les produits bénéficiant du logo WWF apportaient un vrai bénéfice environnemental. Il est parti courant 2013. Inutile de le remplacer, a décrété le boss. «Les bêtes à poils sont devenues une simple caution pour lever des fonds», note un ancien avec dégoût. La direction des partenariats cherche-t-elle à renforcer les règles avec les sociétés des secteurs «à risques», comme la chimie, le transport aérien, la restauration rapide ou l'automobile? Philippe Germa enterre fissa le projet. En janvier dernier, il préfère adresser à ses collaborateurs une liste de grands groupes à prospecter au plus vite. Qu'importe si certains sont plus connus pour asphyxier l'écosystème que le protéger. GDF Suez, Air liquide, Saint-Gobain, Aéroports de Paris, Schneider Electric, les rois de la malbouffe Unilever, Kellogg's ou Coca-Cola, Renault, Michelin et l'équipementier automobile Jonhson Controls, les banques HSBC, BNP Paribas ou Natixis, il y en a pour tous les goûts. Germa fait même les yeux doux à Veolia, qui veut être en pointe à l'international sur le recyclage de l'eau polluée par l'extraction du gaz de schiste. Un rapprochement qui fait grincer pas mal de dents en interne.

- Urgence comptable

Au nom du «pragmatisme», un mot qui revient sans cesse dans la prose de la direction, les valeurs historiques du petit panda s'effacent derrière l'urgence de trouver de l'argent. Car les comptes ne sont pas bons. Sur un budget de plus de 16 millions d'euros, WWF France accuse une perte de 1,3 million d'euros en 2012. Rebelote en 2013, avec le même déficit. Les frais de collecte ne cessent d'augmenter (près de 4 millions d'euros en 2012), tandis que les dons émanant des entreprises reculent : 2,6 millions d'euros l'an dernier, contre près de 3,4 millions en 2011. Seules les contributions des particuliers, qui s'élèvent à plus de 10 millions d'euros, restent stables. Mais, selon une étude interne, 49 % des donateurs disent vouloir arrêter ou réduire leurs oboles. Si l'environnement reste une cause prioritaire des Français, elle perd du terrain depuis 2010, contraction du pouvoir d'achat oblige. Entre le WWF, France Nature Environnement, Greenpeace et la Fondation Nicolas Hulot, la compétition fait rage. Sans compter que de nouveaux clubs de réflexion écolo sortent du bois et grignotent peu à peu l'espace médiatique, comme la Fabrique écologique du socialiste Géraud Guibert ou Ecolo-Ethik de la centriste Chantal Jouanno.
Aux yeux de Philippe Germa, la réplique ne peut être qu'institutionnelle. Poussé ardemment par sa direction internationale, il se démène pour que l'ONG se spécialise dans le lobbying lors des grandes conférences mondiales. «On passe progressivement de la protection des pandas à la préparation de discours pour les diplomates», fustige un ancien de WWF International. Manière de damer le pion à Greenpeace, le rival de toujours, et d'attirer la lumière. «En tant qu'ancien conseiller de ministre, Philippe Germa rêve d'en être à nouveau», raille un bon observateur de la galaxie verte. La 21e conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015 tombe à pic. Le DG ne jurant plus que par les énergies renouvelables et les questions climatiques, il a constitué son équipe à l'aune de cette échéance. Brice Lalonde, ancien ambassadeur du climat pour la France et ami de longue date, vient de le rejoindre. Quant à Monique Barbut, une fonctionnaire internationale spécialisée dans l'environnement qui siège, comme Lalonde, à l'Académie de l'eau, une instance acquise aux entreprises privées du secteur, elle va faire son entrée le 14 mai prochain au conseil d'administration du WWF France. Pendant ce temps-là, les salariés font leurs cartons. Dans du papier recyclé?

* Le prénom a été modifié.
Auteur: Pascale Tournier
Source: Marianne.fr du 24 mai 2014

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