Cette monographie de l’œuvre de Louis de Froidour, véritable créateur du métier de l’ingénieur forestier à la fin du XVIIe siècle, est un exemple particulièrement démonstratif de ce qui doit animer tout gestionnaire de patrimoines boisés. Michel Bartoli nous le rappelle en utilisant sa riche expérience à la fois technique, humaniste mais surtout passionnée. Ce document a reçu le label de l’Année 2011 internationale des forêts.
Valoriser le patrimoine boisé et le transmettre aux générations futures est la mission fondamentale des forestiers d’aujourd’hui comme d’hier.
Cette mission, qui nécessite une vision à long terme, un sens de l’adaptation aux évolutions sociétales, une approche multifonctionnelle s’inscrit pleinement dans ce l'on nomme aujourd’hui le développement durable. Ceci induit une réflexion permanente sur les sylvicultures à mener (Froidour a inventé le taillis-sous-futaie et la futaie jardinée résineuse) et sur le ménagement du complexe vivant qu’est la forêt. Louis de Froidour a été sur ces points un précurseur et la présentation de son œuvre doit rappeler cette nécessité intellectuelle indispensable pour préparer au mieux à l’avenir.
L'Office national des forêts vient d'éditer un ouvrage sur le grand forestier que fut Louis de Froidour (1626-1685), dont j'ai utilisé une lettre sur mon site parce qu'elle constituait un très rare témoignage écrit de ce qu'un voyageur pouvait découvrir dans les vallées ariégeoises au XVIIe siècle.
L'oeuvre du chevalier de Froidour est parfois réduite au Languedoc ; en réalité il a inspiré et formé les forestiers de tout le royaume durant l'Ancien Régime. Au-delà, les forestiers d'aujourd'hui utilisent toujours le fond, si ce n'est parfois la lettre, de ses conseils en matière d'aménagement. Il a aussi été un manager remarquablement moderne, soucieux de formation, aux jugements techniques novateurs et sociologiques équilibrés. Une de ses grandes habiletés pour réduire les différends qui opposaient les habitants des vallées à l'administration royale des forêts a été de concilier les besoins de tout le monde, ce qui l'a amené à décrire les habitudes des Ariégeois du XVIIe siècle.
Auteur: ONF
J'utilise beaucoup Froidour dans mes recherches. Mais je découvre cet ouvrage
Homme du nord, Picardie, il est le Ramond ou Cordier du XVII° projetant sur le massif un regard ethno dû à l'immense distance entre son monde d'origine et celui des montagnes, en cela témoin majeur comme les deux autres; plus proche de Cordier peut être, Ramond souvent est moins en empathie avec les Savoirs locaux et leur nécessité même s'il revient ensuite sur des jugements de valeur qu'il a d'abord portés de façon négative et notamment à travers des comparaisons avec la Suisse ( cas le plus exemplaire: un outil pour la fabrication du fromage dont il regrette que les pyrénéens, plus "frustes" que les Suisses, ne l'aient pas inventé ... et qu'il trouvera ensuite dans les cabanes, et même amélioré par rapport au premier!).
Froidour sera sidéré devant l'ingéniosité des Campanais pour transformer en jardin un terroir que l'on s'attendrait à voir un désert tant il est pentu et a priori hostile. Une description remarquable du rôle clef de l'étage intermédiaire qu'il découvre là aussi, je crois dans le Castillonnais (à vérifier mais presque sûr).
Le plus remarquable chez Froidour est la façon dont il entérine la nécessité de l'usage pastoral des forêts, inverse absolu de ses successeurs forestiers du XIX°, et souvent encore aujourd'hui, alors qu'il est en mission strictement forestière. Il remarque déjà, comme Cordier le fera et pour s'en étonner également tant ce système est différent de ceux auxquels ils sont habitués, la semi liberté du bétail sur les estives et le droit des brebis de "s'échapper impunément" de leur estive sur les voisines qui obéit de la part des bergers éleveurs concernés à un "consentement général" (dans le Castillonnais, lettre à de Héricourt de septembre 1667) Il écrivit d'ailleurs que les droits d'usage "équipolent (= équivalent à) une propriété".
Froidour est, quant au pastoralisme, le contre modèle de ce que fut l'action forestière suite au Code forestier de 1827 et pendant.... très longtemps! Lire dans la présentation de cette biographie "un exemple particulièrement démonstratif de ce qui doit animer tout gestionnaire de patrimoines boisés" suppose donc, il faut l'espérer, que cette dimension y est aussi prise en compte.
C'est le cas. En feuilletant cet ouvrage, je suis allé directement là où il le fallait, la dimension ethnologique, celle "en défense du pastoralisme" sont très bien analysées, page 81 il y a tout dans cette phrase et la citation qui l'accompagne: "Il donne l’impression d’être le porte-parole des communautés montagnardes! Car, dans ces pays "où toute la richesse consiste en la nourriture de toutes sortes de bestiaux tant de ceux qui appartiennent en propriété aux habitants et sont de leur nourriture que de ceux qu’ils tiennent à moitié paisson ou à gasaille, il est important que Sa Majesté soit informée que si on réduisait dans lesdits pays les usages en ce qui regarde la pâturage aux termes de son ordonnance, ce serait mettre les habitants hors d’état de pouvoir satisfaire leurs impositions et les ruiner entièrement de telle sorte même que le plat pays qui a accoutumé d’en tirer les bêtes de labourage en souffrirait considérablement".
Auteur: Bruno Besche-Commenge
Louis de Froidour (1626?-1685): notre héritage forestier
Collection: Les dossiers forestiers
Auteur: Michel Bartoli
Editeur: Office national des forêts
Publié en octobre 2012 - 220 pages
Format: 21 x 29,7cm
ISBN 978-2-84207-353-4 - Réf. éditeur: Dossier forestier n° 23
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