Claude Allègre, universitaire atypique, ancien Ministre de l’Education Nationale, n’a pas la langue dans sa poche. Il dit ce qu’il pense. C’est le cas sur le Grenelle de l’environnement et sur les grands prédateurs, loups et ours. Et il se pose la question de savoir quelle stratégie doit être adoptée pour la planète. Il suggère de nombreuses solutions pratiques telles que: "un plan d'aménagement des territoires contre les inondations, avec nettoyage des rivières, implantation d'unités de réinjection d'eau dans le sous-sol que l'on alimenterait en hiver et pomperait en été, développement par mutation génétique des cultures multiannuelles à longues racines pour régénérer les sols,..." Et sans oublier: "un plan de reconquête des paysages avec un réaménagement de nos rivières, de nos forêts en limitant les insecticides, les pesticides et les engrais chimiques". Et puis, pour ce qui concerne le pastoralisme: "Les problèmes des loups et des ours n'étant soit dit en passant que très accessoires et relevant de la création de véritables parcs nationaux isolés de l'agriculture de montagne". Très décrié, odieusement insulté sur ces idées en 2007, il apparait, avec le recul, en 2014, qu’il avait parfaitement raison… avant l’heure.
L'idée d'un Grenelle de l'environnement n'est pas en soi une mauvaise idée, bien que le mot deGrenelle comme celui de plan Marshall ou de citoyenneté soit devenu un peu trop galvaudé.
C'est bien s'il s'agit d'examiner les questions qui se posent à la planète, et qui sont nombreuses et urgentes: détérioration du cycle de l'eau avec l'implacable dualisme inondation-sécheresse, sécheresses et cyclones...
Mais il y a aussi la crise de l'énergie avec le nucléaire, ses bienfaits, mais aussi les problèmes qu'il pose, les réserves de combustibles fossiles et leur utilisation propre, la pénurie possible de métaux industriels indispensables, la pollution des fleuves, des nappes phréatiques et des océans, les problèmes des villes, de la pollution de l'air à la gestion des déchets urbains, et au recyclage de l'eau, la biodiversité, la vraie, pas seulement la biodiversité médiatique, celle qui met en péril les équilibres chimiques et biologiques de la planète, celles des oiseaux, des arbres, des poissons de rivière et de mer, mais aussi des insectes, des plantes à fleurs, des champignons et des bactéries détruits par les produits chimiques répandus sans discernement.
Enfin, il y a aussi, bien sûr, l'inquiétante augmentation du CO2 atmosphérique sans qu'on en connaisse clairement les effets actuels, mais dont on peut raisonnablement prédire ce qu'ils seraient si la teneur augmentait d'un facteur 5 ou 10.
Cette réunion sur l'environnement peut être un événement historique pour peu qu'elle mette en oeuvre une stratégie à finalité française et européenne afin de commencer à résoudre tous ces problèmes et d'en faire des moteurs du développement économique:
Bref, si l'écologie permet à la France de retrouver le chemin d'une croissance compétitive, on aura atteint son but. Et l'on peut très bien le réaliser.
Si au contraire on reprend les thèses écologiques de la décroissance, en limitant l'usage des OGM, en émettant des réserves sur les nanotechnologies, en freinant le développement du nucléaire, en interdisant les recherches sur les cellules souches, alors on déclenchera le déclin économique et scientifique de la France. On constituera du même coup un déni de démocratie, car les thèses des écolos et autres José Bové ont été sévèrement sanctionnées par les Français lors des dernières élections. Les reprendre au niveau du gouvernement serait incompris des Français qui rêvent de développement, d'emplois et de bien-être, et non de pénurie et de baisse du pouvoir d'achat.
Le temps est donc venu non pas de dénoncer, mais de résoudre. Chacun est désormais conscient des dangers. Il faut les conjurer en proposant des solutions techniques audacieuses, non en culpabilisant l'homme moderne et en lui promettant un futur de frugalité. Il ne l'acceptera ni en France ni encore moins en Chine ou en Inde. Cherchons, innovons, trouvons des solutions. Leur développement assurera la croissance. Sinon, les solutions techniques viendront d'Amérique, qui y travaille avec ardeur, et nous devrons les importer, comme ce fut le cas pour la couche d'ozone ou le plomb dans l'essence.
Souvenons-nous du début du XXe siècle, quand Nikola Tesla développait l'électricité en Amérique alors qu'en France on prétendait que les becs de gaz éclairaient mieux que les ampoules électriques! L'essor de l'Amérique a débuté à cette époque.
"L'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard.Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part. A lui de choisir entre le royaume et les ténèbres", écrivait Jacques Monod dans "Le hasard et la nécessité".
Auteur: Claude Allègre
Source: Le Point n° 1828 du 27 septembre 2007