Le Desman a fait plier le géant EDF. Sa protection s'impose sur toutes les Pyrénées même dans l'Aude
Des équipes de spécialistes ont capturé (puis relâché) cinq desmans dans l'Aude, du côté de Gesse. Le démarrage d'une action pilote destinée à mesurer l'impact des travaux menés par EDF sur ses installations hydrauliques de Nentilla et Escouloubre.
Avec sa trompe de tamanoir, sa petite bouille de taupe, ses pieds palmés et griffus, sa fourrure bien épaisse à rendre jaloux un vison et sa queue de rat, voilà une bestiole échappée d'un bestiaire fantastique. Que nenni! Cet étonnant micro mammifère, le desman, est tout ce qu'il y a de plus réel. Mais fragile et discret. Endémique dans les Pyrénées et chez nos voisins espagnols du massif Cantabrique, cette espèce protégée vit sur les berges et passe 70 % de son temps dans l'eau vive en quête de larves invertébrées dont elle ne fait qu'une bouchée. «Pour l'apercevoir, tu peux te lever de bonne heure! Il est speed! Une fusée, un vrai nageur de compétition!», rigole Aurélie Bodo, étudiante à l'Ensat en master professionnel fonctionnement des écosystèmes et anthropisation. Son directeur de stage de la fédération Aude Claire en sait quelque chose: voilà vingt ans qu'il suit à la trace le desman. Du petit animal aux mœurs semi-aquatiques et à l'activité plutôt nocturne, Bruno Le Roux en a surtout vu, jusqu'à présent… les crottes. Ces fameuses fèces qui, paraît-il, embaument le miel. M'enfin… C'est quand même plus chouette de se retrouver nez à trompe avec ce drôle d'oiseau. C'est chose faite. Durant six nuits, fin septembre, des équipes du conservatoire régional des espaces naturels avec vétérinaires, chercheurs et spécialistes dont la fédération Aude Claire, ont traqué le desman sur la rivière du côté de Gesse. Et dans les dix-huit nasses installées, cinq spécimens s'y sont laissés capturer. Et ont été aussitôt relâchés après avoir été mesurés et pesés. Des prélèvements de salive ont été également réalisés et des puces transpondeurs posées sur les bestioles afin de pouvoir les repérer.
Protégé, le desman n'en est pas moins menacé. L'animal vit dans des eaux de bonne qualité et son régime alimentaire particulier le rend particulièrement sensible à toute modification du milieu. Ces chamboulements-là résultent de l'activité humaine et de ses aménagements. C'est le cas dans la Haute Vallée où depuis un an et jusqu'au printemps 2012, EDF mène de gros chantiers de réfection de ses installations hydrauliques de Nentilla et Escouloubre. Quel impact sur le desman? C'est la première fois que le géant hydroélectricien est invité à se pencher sur la question dans le cadre d'une action pilote de suivi des espèces. Les captures seront réitérées en 2012 et 2013, soit à nouveau pendant et après les travaux. Les informations recueillies permettront de mesurer l'évolution du desman perturbé (ou pas) par les changements de débit occasionnés par les travaux. Les informations génétiques collectées à cette occasion (le prélèvement de salive) sont aussi destinées à nourrir la base de données du premier plan national d'actions en faveur du desman des Pyrénées. Car qui dit meilleure connaissance, dit meilleure protection.
Lancé par le ministère de l'Écologie, chapeauté et réalisé par le conservatoire régional des espaces naturels, un collège de chercheurs, de spécialistes et autres assos de défense dont la fédération Aude Claire, un premier plan national d'actions 2010-2015 vise, par des observations sur le terrain, à améliorer les connaissances biologiques du desman et les outils pour l'étudier. Pour, au final, coordonner des actions pour le protéger et obliger les aménageurs à en tenir compte.
Auteur: Céline Samperez-Bedos
Source: La Dépêche du Midi du 7 novembre 2011