Les attaques de loups en Champagne mettent de nouveaux éleveurs face à la réalité du prédateur. Jusqu'à maintenant ceux-ci non concernés estimaient bien souvent que les éleveurs de montagne n'avaient qu'à garder leurs bêtes ou exagéraient. Parfois même allaient jusqu'à nier le lopup. Maintenant tout le monde est concerné et ils conctatent par la même occasion la mauvaise foi pour ne pas dire les mensonges des écologistes. Les affirmations de Pierre Athanaze sur le loup en Espagne et en Italiesont fausses. Il suffit de suivre les informations espagnoles sur Facebook ou sur les sites italiens, notamment Ruralpini, pour sans convaincre sans difficulté.
"Allez, on vient!" Une fois, deux fois, trois fois, la voix puissante de Nicolas Boucley résonne dans les plaines délicatement vallonnées de la Haute-Marne, derrière lesquelles le soleil commence à se coucher. Les brebis, qui paissent à l'extrémité de la prairie, finissent par se mettre en branle. D'un coup, le troupeau se forme, court et rentre dans le parc de nuit. L'éleveur ferme prestement la clôture mobile et rallume l'électrificateur. Car le loup, venu des Alpes et des Vosges, rôde maintenant dans les plaines champenoises.
"C'est un parc temporaire qu'on a monté il y a dix jours, le temps de finir d'installer une clôture électrifiée, plus haute, autour de l'ensemble de nos prairies. On ne pense pas que ça protégera nos moutons, mais il faut bien faire quelque chose", soupire le jeune éleveur.
Le quotidien de la famille Boucley a basculé le 22 juin. Comme tous les matins, Jean-Paul, le père, fait le tour des cinq prairies, 35 hectares au total, réparties sur les communes de Nully, Blumeray et Ville-sur-Terre. Mais ce jour-là, il revient en catastrophe à la bergerie. "Il avait une tête d'enterrement", se souvient sa femme Michèle.
Dans les prés, des brebis gisent, dépecées et éventrées. Certaines se traînent avec difficulté, deux côtes ou le gigot rongé. Beaucoup ont des morsures à la gorge, là où le prédateur les attrape. Bilan: six brebis moribondes et 17 blessées. "On a passé deux jours à les recoudre et faire des constats, raconte Michèle Boucley. C'est très dur psychologiquement. Maintenant, on a peur tous les matins." En l'espace de trois mois, son cheptel de 1 300 bêtes essuiera huit attaques.
A une vingtaine de kilomètres, à Lignol-le-Château, dans l'Aube voisine, le même sentiment d'abattement et d'impuissance a gagné la ferme de Bernard Piot. Ici, le loup s'est acharné sur le troupeau de 230 têtes: 16 attaques depuis le 25 mai, faisant 51 victimes, les dernières le 2 octobre. L'éleveur désigne les rescapées dans un box de la bergerie. Les traces de morsures et les plaies sont encore visibles sous la toison. "Voir des animaux morts fait partie de notre métier, mais on n'est pas habitués à une telle violence", souffle-t-il.
Aux premières attaques, les éleveurs doutaient de la présence du loup dans ces plaines. Mais le 13 septembre, un piège photographique immortalise le prédateur à proximité du clos des Boucley. "Le rythme des attaques et le nombre de proies , font privilégier le scénario d'un loup isolé, assure Bertrand Baillard, sous-préfet de Bar-sur-Aube. Il faut maintenant voir s'il s'installe ici."
Pour les éleveurs, cela ne fait aucun doute. "Pourquoi partirait-il? Il a un garde-manger toujours ouvert", ironise Nicolas Boucley. "Nos élevages ne sont pas adaptés à l'arrivée du loup, reconnaît sa mère. On n'est plus au temps du beau-père où il y avait un berger qui rentrait les moutons le soir."
Aujourd'hui, les troupeaux des plaines de l'Aube et de la Haute-Marne ne sont presque plus gardés. L'élevage ovin vient en complément des grandes cultures de céréales, blé, orge et colza – dans lesquelles la Champagne-Ardenne s'est spécialisée. "On utilise les moutons pour valoriser les coteaux que l'on ne peut pas cultiver, explique Bernard Piot, qui gère 400 hectares de cultures et 37 ha de prairies. Maintenir des zones d'herbe nous permet de bénéficier des aides de la Politique agricole commune."
Conséquence: les aires de pâturage sont généralement petites, dispersées et souvent éloignées des bergeries. Les moutons y demeurent jour et nuit, entre huit et dix mois de l'année, sans présence humaine. L'étable accueille seulement les brebis et leurs tout jeunes agneaux promis à la vente.
"On ne peut pas rentrer les bêtes à l'étable à 18 heures quand on est sur la moissonneuse, vitupère Nicolas Boucley. Et si on embauche, on ne rentre pas dans nos frais." La famille dispose bien de deux chiens patous, mais ils ont été dressés contre les voleurs et non les loups, et "ne peuvent pas rester seuls loin de la bergerie". "Le loup étant une espèce protégée, c'est à l'Etat d'assumer", fustige-t-il.
Alors que la grogne monte dans les bergeries 21 élevages ont été touchés, les préfets de la Haute-Marne et de l'Aube ont autorisé des tirs de défense, par des agents assermentés, à proximité des troupeaux attaqués. Mais aucun loup n'a pu être repéré. L'Etat a également financé l'achat et l'installation de clôtures électriques pour deux éleveurs, dont les Boucley. Enfin, des indemnisations sont versées, 160 euros par victime. La facture s'élève cette année à 17 600 euros pour la Haute-Marne et 14 000 euros pour l'Aube.
"Cela rembourse le coût d'achat de la brebis, mais pas le manque à gagner de l'agneau qui n'est pas né, calcule Bernard Piot. Sans compter le stress pour les autres brebis gestantes qui risquent d'avorter." Des pertes indirectes qui inquiètent Michèle Boucley: ses brebis qui ont subi des prédations ont trois mois de retard dans leur gestation.
Pour les éleveurs-céréaliers, la cohabitation entre l'homme et le grand canidé est impossible dans la région. Une certitude que partage le député UMP de l'Aube, Nicolas Dhuicq, qui a cosigné, le 10 octobre, une proposition de loi visant à "autoriser l'abattage de loups dans des zones de protection renforcée", où le pastoralisme est fortement perturbé. "C'est un animal qui s'adapte très vite. Si on ne fait rien, il sera partout en France", prévient-il.
"En Italie et en Espagne, les loups sont très nombreux et cela ne pose pas de problème car les bergers gardent leurs troupeaux, rétorque Pierre Athanaze, président de l'Association pour la protection des animaux sauvages. Le statut d'espèce protégée est menacé par une frange de l'élevage qui est dans un refus dogmatique des grands prédateurs alors qu'ils sont essentiels aux écosystèmes." "Si les attaques se poursuivent l'an prochain, on arrêtera l'élevage, menacent de leur côté les éleveurs. On élève des brebis, pas des loups. On n'a pas signé pour faire des croquettes fraîches."
Auteur: Audrey Garric
Source:
Le Monde du 24 octobre 2013
Les affirmations de Pierre Athanaze sur le loup en Espagne et en Italie sont fausses. Il suffit de suivre les informations espagnoles sur Facebook ou sur les sites italiens, notamment Ruralpini, pour s'en convaincre sans difficulté.