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Loup

Sans remettre en cause la bonne foi personnelle de Patrick Orméa, garde au Parc National du Mercantour, il est tout à fait contestable de prétendre qu’il est le premier homme à avoir vu le loup. Il s’agit là d’un abus de langage journalistique.

Il est inexact, car sans preuve, de dire que le loup est de retour. Faudrait-il qu’il ait un jour disparu. Dans ses conclusions, la commission parlementaire de 2003 s’abstient d’être affirmative. Pour elle il n’existe aucune preuve d’un retour naturel pas plus que d’introduction. Par ailleurs, des observations antérieures à 1992 existent tel que celui tué à Aspres-les-corps et bien d’autres ailleurs. Il faut donc relativiser le propos et, peut-être, se limiter à dire que c’est l’homme qui a été le premier à en voir un dans le Parc du Mercantour sans pour autant être en mesure de préciser si c’est un vrai loup ou un des nombreux hybrides toujours possibles.

Une fois encore, le fantasme d’un «retour» avec une date autoproclamée sans preuve historique, continue d’animer les journalistes qui ne cherchent surtout pas à enquêter pour vérifier des affirmations largement contestée depuis plus de 20 ans.

Louis Dollo, le 15 octobre 2014

- Le premier homme à avoir vu le loup

Le retour du Canis lupus en France est consigné dans les archives à une date précise: le jour où Patrick Orméa, garde du Parc du Mercantour, l’a aperçu, près d’un groupe de mouflons qu’il observait à la longue-vue.

Le jeudi 5 novembre 1992, Patrick Orméa s’en souvient comme si c’était hier. «Une très belle journée d’automne.» Ce jour-là, garde dans le parc national du Mercantour (Alpes du sud), il se tient à 2000 m d’altitude au-dessus de Saint-Martin-de-Vésubie, pour le comptage triannuel des grands ongulés – chamois, mouflons, bouquetins – à la Vacherie du Collet. Le loup!

Il est 7 h 30, Patrick Orméa est à son poste d’observation depuis trois quarts d’heure. Face à moi, un grand versant exposé sud-ouest, avec un mélézin flamboyant et de la neige sur les sommets. Le garde sort jumelles, longue vue, radio, et observe des hardes de mouflons sur une «croupe», crête enherbée au-dessus de la forêt de mélèzes. « Les animaux se déplaçaient assez rapidement. C’est alors que je l’ai vu. J’ai d’abord cru à un chien assis, mais un deuxième s’est approché des mouflons, les a affolés et a rejoint le premier qui s’était mis debout et là, j’ai commencé à me dire que ce n’était pas un chien…

Sa grande taille, «un pelage gris foncé passant à blanc sur les pattes, une très grande tête, des oreilles petites et peu pointues, une queue très pendante…» Pour l’observateur de la faune sauvage, cela ne fait plus de doute: des loups!

- Émotion

J’en tremblais de surprise et d’émotion», poursuit Patrick Orméa. L’animal avait disparu de France depuis plus de soixante ans! «Pour un agent de l’environnement, se retrouver face à un prédateur, c’est irréaliste, on passe de l’imaginaire au réel.» En professionnel scrupuleux, il prend quelques minutes pour observer les deux loups, bien détailler les parties du corps, la tête, le regard, tout ce qu’on peut prendre comme notes lorsqu’on observe un animal. La nuit suivante, il n’arrivera pas à fermer l’œil. Chasseurs

Lorsqu’il rejoint les chasseurs venus comme lui dénombrer les ongulés dans le Mercantour, il n’en parle pas. «J’avais peur de leur réaction.» Patrick Orméa pense à l’affaire du loup de Fontan, tué lors d’une battue au sanglier en 1987 et qui avait fait grand bruit dans le Mercantour… «Je me suis dit: peut-être l’administration va faire pareil, demander des battues.» Alors, il se tait.

- Secret

Une demi-heure plus tard, sa radio transmet l’appel d’un autre agent, posté plus loin: «Je vois des loups en face de moi», avertit Anne-Marie Issautier. En bas, il lui raconte… «On partageait un secret, on ne savait pas trop quoi en faire.» C’est au Directeur de la nature et des paysages à Chambéry, Gilbert Simon, qu’ils se confient finalement, le soir. «Il nous a répondu: si ce sont des loups, il faut s’en assurer.» Pendant cinq mois, de novembre à mars, le parc du Mercantour part en chasse: «Il fallait relever des indices, le maximum de preuves, empreintes dans la neige, crottes, poils…» Pendant cinq mois, l’information n’est pas rendue publique.

- Soupçon

Monte alors l’idée que ces animaux ne se sont pas retrouvés là par hasard ; qu’ils ont été réintroduits intentionnellement par des militants de la nature. «La polémique, c’est l’effet du loup sur l’homme. Que ce soit d’Italie en France ou de Finlande en Suède, chaque fois que le loup passe dans un autre pays, on soupçonne une réintroduction. Parce que c’est un animal emblématique qui renvoie à nos lectures, aux romans, à l’imaginaire en général, un animal pas bien connu.» Un autre conflit a surgi depuis, plus concret: avec les bergers, dont les troupeaux sont attaqués.

- Yeux jaunes

Patrick Orméa revu des loups, «environ vingt fois, sans les chercher». Jamais eu peur? «Non! Ben non! S’il y avait eu un problème avec l’homme, on le saurait! Il est là, tranquille. Une fois, j’en ai vu un à 20m, nos regards se sont croisés, de très beaux yeux jaunes, et puis il est parti. C’est un animal comme un autre.» L'édition du soir jeudi 9 octobre 2014

Auteur: Claire Thévenoux
Source: L'édition du soir Témoignage jeudi 9 octobre 2014

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