José Bové estime que le berger a le droit de défendre son troupeau en tirant dessus et en le tuant
"Oui, on peut tirer le loup!"José Bové persiste et signe. Il confirme au Monde et accentue sa position exprimée sur Radio Totem, une radio lozérienne, le 17 juillet. Ce pavé dans la mare écologiste a suscité une plainte pour "incitation à la destruction d'espèce protégée", déposée le 1er août auprès du tribunal de Mende par l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).
La déclaration du député européen EELV (Europe Ecologie-Les Verts) intervient alors qu'un vif débat agite la Lozère depuis que des photos de loups y ont été prises en juin. Les éleveurs de moutons craignent que le canidé s'installe durablement dans le département. Une centaine d'entre eux ont manifesté le 22 juillet à Florac sous la banderole "Non au loup".
Le prédateur a une tendance à manger les brebis, une proie plus facile à saisir que les chevreuils ou les sangliers. Le 1er août, la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence a ainsi annoncé que les loups présents dans ce département avaient mené dans l'année écoulée 63 attaques de troupeaux, tuant 305 ovins (des chiffres respectivement en baisse de 22 % et 32 % sur l'année précédente).
Comme le loup est une espèce protégée par la convention de Berne, des mesures doivent être prises dans les départements où il est présent: clôtures électriques, chiens patous, éclairage nocturne, mise à l'étable des troupeaux. Par ailleurs, l'indemnisation des ovins dévorés nécessite un dossier administratif fastidieux. Et les tirs d'effarouchement, éventuellement létaux, autorisés par les préfets, sont une complication supplémentaire.
Les éleveurs lozériens craignent que l'installation de loups dans leur département entraîne la mise en place de ces mesures, qui compliquent leur travail. Pour André Baret, éleveur et maire de Hure-la-Parade, "nos exploitations sont fragiles. Le loup n'est pas responsable de la crise, mais il est la goutte qui fait déborder le vase". M. Baret qui, comme de nombreux éleveurs du causse Méjean, s'est investi contre l'exploitation des gaz de schiste ou des projets immobiliers, souligne que la situation est différente de celles des Alpes: "Ici, les troupeaux sont plus petits – de 100 à 200 têtes contre plus d'un millier –, et ils mangent la nuit, dehors, quand il fait moins chaud. C'est plutôt la nuit que le loup attaque."
La Lozère abrite pourtant le Parc des loups du Gévaudan, une attraction touristique populaire. Pour son responsable zootechnique, Sylvain Macchi, "la présence du loup est indéniablement une difficulté pour les éleveurs. Mais on ne peut pas dire que la cohabitation est impossible". Et d'observer que si l'on recense 200 loups en France, il y en a plus de 2.000 en Espagne, et 1.000 en Italie.
Mais pour José Bové, "il faut que nous, les écolos, on arrête la langue de bois: on ne peut être à la fois contre la désertification des campagnes et l'extension urbaine à l'infini, et en même temps créer à la campagne des espaces où les agriculteurs ne peuvent pas vivre". Et d'insister: "On peut tirer le loup, parce que la priorité est de maintenir les paysans dans les zones de montagne."
Cette position indigne selon Pierre Athanase, président de l'Aspas: "Dans l'écologie, il y a la biodiversité. Si M. Bové n'est pas d'accord, il faut qu'il quitte EE-LV." L'Aspas incrimine aussi les nombreux arrêtés préfectoraux permettant les tirs au loup. L'association a engagé des recours contre l'Etat français auprès de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe. De son côté, la ministre de l'écologie, Delphine Batho, a annoncé, le 26 juillet, une prochaine concertation sur le loup.
Auteur: Hervé Kempf
Source: Le Monde du 02.08.2012