Depuis toujours, les pouvoirs publics comme les associations environnementalistes défendant les introductions d'ours nous disent que c'est une obligation internationale. Dans une interview qu'elle a accordée à France 3 Sud le 21 octobre 2009, Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat à l'Ecologie dit: "la France a des engagements internationaux, dans le cadre de la convention de Berne d'une part, et puis même au sein de l'Europe, la directive Habitats nous impose de maintenir la population d'ours dans les Pyrénées, donc nous ne renoncerons pas à ces engagements internationaux, il faut être effectivement très clair sur la la vision, sur nos principes parce que si on laisse les ambiguïtés, après tout le monde .. Effectivement après c'est la confusion générale".
Avant cette déclaration, les associations pro ours telles que le WWF France, Ferus, Fiep, Apatura et le Comité Ecologique Ariégeois ont déposé le 29 septembre 2009 une plainte auprès du comité permanent pour non-respect de la convention de Berne par la France dans le dossier ours.
Curieusement et contrairement à toutes les affirmations entendues, cette Convention internationale ne crée aucune obligation quant à des réintroductions. Les parties s'engagent simplement à les "encourager".
Il suffit de lire l'article 11 pour comprendre:
"2 - Chaque Partie contractante s'engage: à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction, à condition de procéder au préalable et au regard des expériences d'autres Parties contractantes à une étude en vue de rechercher si une telle réintroduction serait efficace et acceptable;"
Stupéfiant! Elle est d'ailleurs si peu contraignante que l'article 23 prévoit que chaque Etat signataire peut la dénoncer à tout moment et en être dégagé à sa seule demande sans que les autres parties aient à donner un avis
"Article 23
-1- Toute Partie contractante peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
-2- La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de six mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général."
Partant de ces simples observations, quelle valeur interne à la France peut avoir une telle convention? Là c'est le Conseil d'Etat qui l'a précisé dans un jugement du 23 février 2009 qui concernait précisément l'introduction d'ours slovènes dans les Pyrénées. Il est dit: " Considérant que les stipulations du a) du paragraphe 2 de l'article 11 ne créent d'obligation qu'entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne;". D'ailleurs, pour cette " obligation entre les Etats partis", elle est si peu contraignante que chacun peut en sortir quand il veut et sans aucune " obligation" de réintroduction mais seulement un encouragement à...
Cette directive apparaît confuse sur un certain nombre de points et pourrait faire débat lors du vote de la charte du Parc National. Elle débute par une définition dans son article 1-b qui stipule que: "habitats naturels: des zones terrestres ou aquatiques se distinguant par leurs caractéristiques géographiques, abiotiques et biotiques, qu'elles soient entièrement naturelles ou semi-naturelles". En considérant comme équivalentes des zones aux caractéristiques "entièrement naturelles ou semi-naturelles" identiquement considérées comme des "habitats naturels", cet article essentiel procède à une confusion radicale qui obère totalement son propre objectif: conserver, et entraîne des conséquences gravissimes.
Nous n'avons pas de réponse à la définition juridique des termes employés dans un texte à valeur juridique.
Si nous reprenons les éléments du Grenelle de l'environnement, groupe 2 (Préserver la biodiversité et les ressources naturelles), dans le rapport final, page 31 il est précisé: "Il ne s'agit donc plus de geler une nature sauvage, maintenue dans son état primitif, à l'abri des interventions humaines/.../ nos activités économiques sont incluses dans notre environnement naturel. Ceci est d'autant plus vrai en France où tous les paysages, réputés naturels ou non, sont le fruit d'une coévolution du travail de la nature et de l'homme." (Donc "semi-naturels"). Plusieurs analyses scientifiques viennent confirmer ce fait. Tout le monde s'accorde pour dire que: " Un pastoralisme adéquat permet de maintenir et même d'augmenter la biodiversité végétale. Les pâturages contribuent à la biodiversité animale, qu'il s'agisse d'espèces sauvages (ongulé, oiseaux rapaces, etc.) ou de la diversité génétique liée aux races d'élevage autochtones."
Nous voyons dans ces divers propos que "Haute valeur naturelle" n'est pas équivalent de "habitat naturel". Au contraire même puisque le classement "haute valeur naturelle" concerne en France (Pyrénées notamment) des "habitats semi-naturels".... "fruit d'une coévolution du travail de la nature et de l'homme." (cf. Grenelle).Appliquer à de tels habitats les mêmes mesures de protection qu'à des habitats naturels revient à ne pas préserver leur véritable "nature" ("coévolution du travail de la nature et de l'homme") mais, au contraire, les transformer en ce qu'ils ne sont pas: des habitats " naturels".
Face à une telle ambiguïté, la solution est "simple"
- ou le Grenelle a tout faux, et il faut le reprendre;
- ou c'est la directive "Habitats", et faut la renégocier;
- ou il faut dire clairement qu'il ne s'agit pas de préserver ces habitats mais de les transformer, et, dans ces conditions, c'est l'ensauvagement des milieux. Cette situation se
retrouve dans le cas de l'ours où, pour le sauver nous arrivons logiquement à ensauvager des milieux donc à perdre de la biodiversité
Il faut aller voir l'article 22 qui stipule que:
"Dans la mise en application des dispositions de la présente directive, les Etats membres:
a) étudient l'opportunité de réintroduire des espèces de l'annexe IV, indigènes à leur territoire, lorsque cette mesure est susceptible de contribuer à leur conservation, à condition qu'il soit établi par une enquête, tenant également compte des expériences des autres Etats membres ou d'autres parties concernées, qu'une telle réintroduction contribue de manière efficace à rétablir ces espèces dans un état de conservation favorable et n'ait lieu qu'après consultation appropriée du public concerné;".....
Nous sommes très loin d'avoir rempli toutes ces conditions qui, de toute manière, n'obligent pas à des introductions.