Depuis plus de 30 ans nous avons tout entendu et tout lu en matière d’ours des Pyrénées puis d’ours dans les Pyrénées d’origine slovène. Le problème est que, téléguidée par des organisations politico-militantes et non pas des scientifiques dignes de ce nom, la problématique de l’ours et sa connaissance ont toujours été basées sur des mensonges et des manipulations. Une fois encore, la vérité nous vient directement du massif Cantabrique, en Espagne, qui nous apprend qu’il faut entre 500 et 2000 ours pour qu’une population soit viable. Rien à voir avec les 50 annoncés. Et alors qu’il y a déjà des problèmes avec une vingtaine…
Bruno Besche Commenge a compilé un certain nombre d’informations qui nous éclairent d’une manière réaliste sur l’avenir plus que probable, et depuis longtemps annoncé, de la population d’ours déplacés actuellement dans les Pyrénées.
L’ensemble d’articles que nous traduisons ici totalement ou en partie (avec références aux originaux) est essentiel à propos des ours asturiens, de leur milieu, leur chance de survie à moyen et long terme, analysés par des scientifiques de niveau international. Interviews de ces scientifiques, articles de presse rendant compte de la présentation publique de leurs travaux, références à certaines de ces études, l’ensemble forme un corpus incontournable si l’on veut, y compris à propos des Pyrénées, parler de l’ours brun en évitant de dire n’importe quoi.
Ana Domínguez, du département de génétique de l’Université d’Oviedo, qui a dirigé l’étude pour la partie relevant de cette science, «indique que le nombre d’ours détecté (entre 195 et 200) rend la population viable à court terme mais pas à moyen ni long terme. Pour que disparaisse le risque d’extinction il faudrait arriver à 500 reproducteurs. Les chercheurs ont calculé que dans une population d’ours un quart seulement des bêtes est en état de procréer. La population des ours cantabrique serait donc sauvée lorsque qu’elle atteindrait au moins les 2000 individus.»
Avec d’autres spécialistes, notamment cinq généticiens, elle avait en 2008 coécrit un article dans la revue à comité de lecture «Conservation genetics» où était déjà indiqué qu’il était inexact d’avancer le chiffre de 50 individus pour assure une survie de l’espèce à court terme. C’est pourtant le chiffre avancé pour les Pyrénées par l’équipe ours de l’ONCFS.
Sur la base des recensements alors disponibles pour le massif cantabrique (une grosse centaine d’ours) cette étude soulignait que cette population était «loin du nombre minimum pour assurer sa survie à court terme». Ce n’est plus le cas avec ce nouveau recensement officiel, proche de 200, mais à moyen et pire encore long terme cela ne suffit toujours pas à assurer la viabilité naturelle de la population.
L’une des chevilles ouvrières que l’on retrouve dans toutes ces recherches est le biologiste Javier Naves du CSIC espagnol /équivalent du CNRS/ expert officiel des populations cantabriques de l’espèce. Le journal La Nueva España du 7 février dernier publie un long entretien où il passe en revue tous les problèmes qui se posent quasi identiquement dans les Pyrénées.
Taille d’une population d’ours lui permettant d’être naturellement viable, impossibilité d’atteindre ce seuil dans un massif humanisé comme la Cordillère cantabrique, problèmes trophiques dans un tel milieu et, en liaison, ceux de la reproduction et de la difficile survie des petits, tout cela n’a rien à voir avec l’image idyllique des ours asturiens diffusée non seulement dans les Pyrénées mais, à certains niveaux, par les associations (FOP, FAPAS etc.) et même l’administration asturiennes.
En novembre 2005, le même quotidien avait déjà publié un entretien avec Javier Naves où il indiquait:
«Il existe un consensus scientifique pour lequel la viabilité suppose des centaines d’ours sur des milliers de km2. Aucun de ces chiffres ne se rencontre aujourd’hui alors que ce
sont eux qui permettraient cette viabilité.
Nous avons toujours défendu l’idée d’arriver à une population naturellement viable, capable de survivre par elle-même, pas ses propres moyens. /…/ Mais aujourd’hui je commence à
douter que ce soit possible: je ne sais pas si nous avons l’espace suffisant pour 4 ou 500 ours, où allons nous les mettre? Au mieux, nous nous trouvons dans la situation d’avoir
une population toujours sous assistance médicale pour respirer, s’alimenter et se reproduire en interchangeant les mâles.»
Nourris des très nombreux travaux effectués depuis lors, les articles récents que nous traduisons confirment, parfois en l’amplifiant, cette réalité. Avec cependant une grande différence, une différence essentielle par rapport à la situation pyrénéenne.
Dans le massif cantabrique existe encore une population autochtone d’ours, aux caractéristiques spécifiques, et c’est la raison pour laquelle les Asturiens ne veulent pas d’importations slovènes qui viendraient altérer cette originalité. Il est donc justifié de préserver cette population, même «sous assistance médicale» permanente, et d’y consacrer des moyens humains et matériels. Intervention obligatoirement limitée dans ses effets, on le verra en lisant ces articles, mais redisons-le justifiée.
Rien de semblable dans les Pyrénées, comme le soulignent les plus récents documents de travail du Groupe Grands Carnivores des programmes Life-Europe (1). Plus de population autochtone dans les Pyrénées. Les ours présents appartiennent à la très vaste population Dinaric-Pindos (de la Slovénie à l’Est et l’Ouest de la Grèce) qui dépasse sur ses territoires le seuil de survie naturelle et s’y développe tout aussi naturellement.
Ces quelques exilés pyrénéens devront sans cesse être sous perfusion bien au delà de leurs cousins asturiens, n’auront jamais aucune chance d’atteindre le seuil de viabilité même si l’on en importait encore quelques uns, aucune chance d’assurer leur connexion avec leur maison mère à laquelle ils sont totalement inutiles pour son propre devenir.
Ours des Asturies, ours Dinaric-Pindos DANS les Pyrénées, il y a dans cette différence toute celle entre un programme qui a du sens et justifie le SAMU permanent, et un autre qui, comme viennent de le déclarer les représentants de la Vallée de Roncal au parlement de Navarre n’est là que pour «masquer d'autres carences, en oubliant les vrais problèmes environnementaux», «un conte de fées», «une politique environnementale alibi», que certains gouvernements approuvent «pour l’argent qu’ils fournissent à l'administration, mais combien de cet argent finalement profite à la vallée?»
Tout est dit.
Auteur: B. Besche-Commenge – ASPAP/ADDIP – 6 avril 2013
(1) dont Status, management and distribution of large carnivores – bear, lynx, wolf & wolverine – in Europe DECEMBER 2012 – Part 1- Part 2- Documents non en ligne pour l’instant.
P.S.: un article récent, 4 avril, vient relayer les interrogations de Javier Naves du 7 février dernier sur le degré d’acceptabilité sociale dans les zones où les ours deviennent plus nombreux et étendent leur territoire, voir: «L’ours se promène à Bimena»