L'idée était à priori intéressante et un accord de principe de la Présidente l'ASPP 65, Marie-Lise Broueilh, avait été donné. Une démarche similaire semblait se dessiner du côté de l'Ariège. Mais " curieusement, aucun contact n'a été pris du côté de la Haute-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques". Il n'en fallait pas plus aux responsables des associations de sauvegarde du patrimoine pour se consulter..." Et oui, les paysans savent se servir du téléphone et d'Internet" nous dit l'un d'eux. Lundi après midi, le principe d'une réunion du conseil d'administration de l'ADDIP est retenu. Le soir même, c'est l'ASPAP, en Ariège qui se réunit. "Si le principe de participer et de ne pas jouer la chaise vide est acquis, les conditions restent à discuter. Ce ne sera pas à n'importe quel prix comme c'est le cas depuis 25 ans." Le ton était donné mais aussi " les conditions à confirmer par le CA de l'ADDIP sont élaborées"
Nous avons pu contacter Philippe Lacube, Président de l'ADDIP qui nous dit "j'ai eu Monsieur Laurens au téléphone. Il a quelques problèmes pour comprendre ce qu'est l'exercice de la démocratie dans une association et il n'a pas dû lire les documents sur la démocratie écologique du Grenelle de l'Environnement. Il va falloir lui expliquer."
- Mais que s'est il passé?
"C'est lui qui décide de la personne qui va représenter nos associations", nous dit le leader ariégeois. "C'est ainsi qu'il a imaginé que pour aller dans les Cantabrique ce serait Marie-Lise Broueilh et pour le Trentin en Italie ce serait moi. Mais la démocratie veut que ce soit les associations qui élisent ou désignent leurs représentants et non le Ministère qui choisi la personne qui lui convient en fonction des circonstances. Marie-Lise Broueilh sera sûrement confirmée par le CA de l'ADDIP mais elle ne sera pas seule et elle ne se limitera pas à l'Espagne. Chez nous c'est une équipe."
On comprend facilement la colère de Philippe Lacube face à ce que nous pourrions appeler de "l'ingérence ministérielle dans les associations." Mais il est également vrai qu'au
Ministère de l'écologie on confond très souvent le rôle du Ministère, des services de l'état (notamment les DIREN) et celui des associations. Il se dit d'ailleurs que c'est "le
ministère des associations." Cela est même une "maladie" soulevée par de nombreux
rapports de commissions et missions
parlementaires et d'inspections des services (finances et environnement). On y confond même la caisse, c'est-à-dire l'argent public, celui des impôtes des français, au point
que personne ne sait qui touche quoi et combien (Cf. Inspection des finances de 2003 et Inspection de l'environnement de 2005). Deux associations dites "pro-ours" des Pyrénées
centrales touchent trois fois plus (un peu plus de 300.000 euros en 2005 selon divers rapports officiels) que l'IPHB pour "ne rien faire d'autre que de la palabre" alors que
"l'IPHB fait du boulot pour le pastoralisme."
Il y a effectivement matière à réflexion.
Mais Philippe Lacube poursuit: "Nous avons décidé qu'il y aurait au moins trois personnes pour suivre ces voyages. Elles seront confirmées par l'ADDIP lundi prochain et ce n'est pas Monsieur Laurens qui va nous donner des ordres.... Il s'étonne qu'à nous seul nous représentions 30% de la délégation... c'est quand même normal. Cela nous concerne directement, c'est nous les victimes, c'est nous qui vivons les problèmes au quotidien et nous représentons les territoires de montagne concernés."
Et Philippe Lacube de poursuivre: "Je lui ai précisé que sur place au cours de ces voyages il n'était pas question de ne rencontrer QUE les interlocuteurs choisis par le Ministère.
Nous avons aussi nos propres contacts, nos propres relations, qui donnent des versions très différentes de celles que le Ministère diffuse dans les divers services de l'Etat et aux
médias. Nous voulons que ces personnes soient aussi rencontrées et donnent leur point de vue pour ce qui concerne leurs territoires. Nous avons aussi des rapports, des dossiers à
verser à l'étude en cours."
Effectivement, il serait anormal que les rencontres se fassent à sens unique pour n'entendre qu'une seule voix, celle "qui convient au mieux aux milieux environnementalistes". Et
de nous rappeler divers dossiers dont le voyage de Bruno Besche Commenge fin septembre de cette année dans les Asturies. Mais aussi plusieurs articles de la
presse locale espagnole ou les empoisonnements d'ours dans les
Abruzzes (qui ne semblent pas au programme de visites) qui ne peuvent être laissés pour compte.
Nous voyons que l'affaire n'est pas gagnée et que maintenant, contrairement aux années passées, il existe, sur les territoires de montagne, dans les vallées pyrénéennes, des associations et des militants particulièrement engagés qui disposent d'un fond documentaire assez sérieux pour remettre en cause bon nombre d'acquis que "les associations environnementalistes ont pu imposer sans contestation depuis 25 ans."
Certains responsables ont des mots très durs en disant que "ce n'est pas un larbin d'un Ministre de la République qui va venir nous imposer nos propres responsables". Ou bien encore "les écolos ont de vieilles habitudes de dictature "en faisant référence aux origines idéologiques des fondateurs du WWF, "les Pyrénées ce n'est pas l'Afrique et on ne les laissera pas faire avec leurs méthodes de néocolonialistes". En voilà qui doivent lire l'anglais... et oui les éleveurs d'aujourd'hui vont au lycée et souvent jusqu'au BTS ou une école d'ingénieur. Et il y en a même une qui a un doctorat de sociologie.... C'est idiot... ils ne parlent pas que le gascon!
Quoique, dans la langue du pays, nous comprenons vite... "Si on doit retourner à Arbas pour se faire entendre, on le fera mais cette fois on saura faire."
L'avertissement semble clair, Monsieur Laurens. La copie pourrait bien être à revoir. Les Pyrénées, ce n'est ni l'Afrique, ni l'ONF méditerranéenne et ça va du Pays Basque à la
Catalogne avec un versant sud et nord. Ce sont des notions qui s'apprennent à l'école primaire.
Il nous est également rappelé que, aussi bien les associations environnementalistes que les services du ministère de l'écologie ont
largement usé du mensonge pour faire passer leurs idées. Pour exemple,
des annexes à un rapport de fin de programme LIFE de 2000 auraient été "dissimulées". Accusation grave qui aurait
été transmises aux Préfets, Ministère de l'Ecologie et de l'agriculture et au Premier Ministre. Aucune réaction! "Cette fois, on ne se laissera pas rouler dans la farine" mais
combien de rapports sont restés dans les fonds de tiroirs?
- En fait, l'ours est-il vraiment le problème majeur?
Pour les responsables de l'ADDIP, la réponse est NON. Le véritable enjeu c'est la biodiversité dans son ensemble, animaux d'élevage inclus, tout le vivant animal et végétal, mais
aussi le développement durable des vallées autour de ses trois piliers: environnement, social, économique. "Le renforcement de la présence de l'ours dans les Pyrénées est un élément
perturbateur du développement durable mais n'est pas et n'a jamais été un facteur de ce développement si non ça se saurait depuis longtemps. "Un éleveur du Couserans nous fait
d'ailleurs remarquer que dans le sigle ADET il y a "développement économique et touristique" et il précise "regardez autour de vous, qu'a fait
l'ADET en 12 ans dans ce domaine? RIEN!"
Le fait est que rien n'a changé et que, pire encore, l'ADET n'est pas particulièrement appréciée dans les vallées ariègeoises. C'est le moins que l'on puisse dire. Mieux encore:
l'ACP (Association pour la cohabitation pastorale), la petite soeur de l'ADET n'a que 5 éleveurs (6 selon son
site Web du broutard du Pays de l'ours (le site semble vide à ce jour: 06 février 2022)
mais un des éleveurs se serait retiré) pour un nombre de brebis plus que moyen... disons même très très faible. Difficile de considérer que c'est un succès surtout compte tenu des
sommes impressionnantes dont ces deux associations ont bénéficié. Comparé au travail de l'IPHB dans le Béarn qui a reçu trois fois moins d'aide
(ils n'en reçoivent plus depuis 2006) et au nombre d'exploitations et de brebis de ses trois vallées béarnaises, il n'y a pas photo. Nous pouvons même nous interroger, comme les
députés l'ont fait, sur la destination de l'argent public.
En conclusion du rapport de l'ADDIP remis à l'atelier 5 du Grenelle de l'environnement sur la gouvernance et la démocratie écologique il est implicitement écrit: "Parmi les mesures immédiates à prendre, et pour clarifier le débat, nous sollicitons une suspension des financements publics à ces associations et le retrait des missions déléguées par certains services de l'Etat afin que celui-ci assume pleinement et directement ses responsabilités. "Mais à l'ADDIP, personne ne se fait trop d'illusion tout comme pour cet autre point qui est demandé" ... la mise en place de structures de dialogue locales avec la participation d'associations locales ayant des membres issus des territoires pyrénéens concernés, dans le respect des engagements internationaux de la France notamment de l'Agenda 21, ce qui n'a jamais été respecté à ce jour."
Pour le coordonnateur scientifique de l'ADDIP, Bruno Besche-Commenge, "le "retour" à "venez voir comment ça se passe ailleurs" est une régression." Pour lui, il s'agit de voyages "touristico-bidons". Et il précise: "Bidon" parce que tout le monde sait déjà ce qu'il en est dans les Asturies et pour le loup et pour l'ours; le récent voyage de l'ADET doit sur ce plan être assez décevant pour eux: le compte rendu qu'en fait le Fonds Espagnol de Protection des Animaux Sauvages est intéressant! "Voilà quelque chose de nouveau. Puisque l'ADET et l'ADDIP ont déjà fait le voyage pour arriver aux mêmes conclusions, pourquoi donc y retourner? Les fonctionnaires du Ministère de l'écologie seraient-ils à ce point incompétents? Ignorants des travaux déjà réalisés? Pour choisir une ourse de 17 ans au lieu de 7 ans la question est posée depuis longtemps mais personne ne veut y répondre. Ou alors, c'est peut-être tout simplement pour voyager et encore dépenser de l'argent du contribuable... Nous sommes tellement riches!
Il semble qu'une épreuve de force soit engagée. Une épreuve qui dépasse la problématique de l'ours et plus généralement les grands prédateurs dans les Pyrénées. Les véritables enjeux clairement posés depuis plusieurs mois par l'ADDIP, ses associations membres mais aussi par les élus locaux, l'ANEM, les parlementaires, les syndicats d'éleveurs, les gestionnaires d'estives, les chambres d'agriculture et un certain nombre d'acteurs du tourisme de montagne, c'est bien l'avenir de la biodiversité, la préservation de la diversité des paysages et les conditions d'un développement durable pour les vallées.
Est-ce de la seule compétence du Ministère de l'écologie et des associations dites "écologistes"?
Pour l'exercice d'une bonne "démocratie écologique" conforme à l'esprit des débats du Grenelle de l'environnement, ne serait-il pas souhaitable de changer de méthodes vieilles
d'un quart de siècle et de commencer par créer une véritable structure de dialogue avec l'ensemble des partenaires?
Ce serait peut-être un bon début pour une "nouvelle gouvernance" et une "véritable démocratie écologique dans les Pyrénées."
Texte: Louis Dollo
Le 13 novembre 2007
- Liens et informations complémentaires
- Denis Laurens - Ministère de l'écologie
Ancien directeur territorial Méditerranée à l'ONF. Il est notamment co-auteur d'un rapport sur "La prévention des inondations sur l'île de la Réunion et la programmation des travaux de protection" remis en juillet 2006 au ministre de l'Equipement. Il a également participé a une "Réflexion sur la procédure d'indemnisation des catastrophes naturelles". Actuelement, il est chargé, au Ministère de l'écologie, de l'organisation des voyages d'étude des parties liées à la problématique de l'ours en Espagne, Italie et Slovénie.- Retour