Le Monde des Pyrénées

La montagne veut la peau de l'ours - 2000

Lundi 31 Juillet 2000 - Argelès (65): création de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine pyrénéen (ASPP)

L'Association pour la sauvegarde du patrimoine pyrénéen créée vendredi à Argelès, a déclenché la guerre froide avec ministère de l'Environnement. L'ours slovène, qui a tué 34 brebis début mai à Luz et Cauterets, est au centre de la polémique.

La psychose de l'ours s'est installée dans les vallées d'Argelès et d'Arrens. Début mai, les attaques meurtrières de l'ours slovène (lire notre édition de samedi) ont provoqué la colère des éleveurs, des élus, des chasseurs et des socio- professionnels. Vendredi soir, à Argelès- Gazost, l'Association pour la sauvegarde du patrimoine pyrénéen est née devant 200 personnes.

«Nous ne pouvons pas assumer la présence d'un prédateur, lance Marie-Lise Broueilh, présidente du syndicat ovin Barèges-Gavarnie. Si la bête se plaît ici, elle va y rester volontiers. Cette idée des Pyrénées sauvages, en gommant les activités humaines, en nous imposant l'ours, ça veut dire qu'on doit tout abandonner. C'est ceux qui se sont fourvoyés dans une opération qui a coûté des millions qui doivent tout arrêter. L'ours n'est pas une fatalité».

La présidente du syndicat ovin ne ménage pas le ministère de l'Environnement: «nous n'allons pas nous laisser abuser ou baladé. Il y a une convention européenne qui dit qu'on peut demander la capture des ours slovènes. Nous allons demander des dommages et intérêts, s'il le faut, on ira plaider, il y a préjudice. Il ne faut pas que les vallées des Gaves deviennent un écomusée. Notre patrimoine nous appartient, il n'est pas en solde.»

- «Un force de proposition»

Le débat dépasse le simple cadre du pastoralisme. Bernard Moules, vice-président de la FDSEA, souligne: «ce qui nous rassemble ici, ce soir, c'est que nous vivons au pays. Et à des centaines de kilomètres de chez nous, des assemblées réfléchissent de ce qui serait bon pour nos vallées et décident que l'on pourrait y introduire telle ou telle espèce. Nous avons invité tous les secteurs d'activité. Notre association doit être une force de proposition pour aider au travail de nos élus. Il n'est pas question de créer un club de mécontents, il est question de créer quelque chose de positif.» Christian Crampet, de la CDJA, n'a pas mâché non plus ses mots: «la commission des indemnités sur les dégâts de l'ours (Direction régionale de l'Environnement) s'est réunie après deux ou trois jours. Mais c'est un peu trop facile, on veut vivre de notre élevage et il y a un certain ras-le-bol. Il faut à tout prix renvoyer cet argent sale que sont les indemnités. On demandera à chaque agriculteur s'il veut souscrire pour aider ceux qui ont été touchés. Les aides de la DDA au pastoralisme, le patou, tout ça a été rejeté. Il faut faire comprendre à ces intégristes que leur pognon, on n'en veut pas.» La réunion marathon qui s'est achevée à une heure du matin, a ouvert de nombreuses pistes qui laisse maintenant du pain sur la planche au bureau de l'association. Reste à savoir si celle-ci pourra trouver un terrain d'entente avec le ministère de l'Environnement.

Michèle Bouché

- «Il ne restera qu'un fond de vallée»

Marie-Lise Broueilh s'enflamme: «En tant qu'éleveur je suis choquée d'entendre et de lire que les troupeaux sont à l'abandon sans surveillance. On veut faire croire que le pastoralisme actuel est désuet et nous imposer l'ours et le loup. Et de préciser: «nous sommes dans l'impossibilité de rester avec les troupeaux l'été, quand les bêtes sont en montagne en liberté. Le rapport Chevalier sur le Mercantour est objectif: le fait de déranger les animaux tous les soirs, les empêche d'engraisser. Et c'est grâce à la présence d'animaux et au maintient de l'agriculture que les pâturages sont là et qu'il existe une biodiversité (...) La conception du tourisme de promenade et de randonnée disparaîtra avec les éleveurs. Dans une décennie, il ne restera qu'un fond de vallée d'immobilier et une station de ski, plus de grange foraine, ni de sentier.»

- Coup de griffe

Pierre Gerbet, de la Chambre d'agriculture, met en cause les réunions avec la direction de l'Environnement: «On pouvait présager ce qui vient d'arriver. Les rapports sur les espèces à préserver, à travers Natura 2000, ont été faits par des scientifiques du musée d'Histoire naturelle dont certains n'ont jamais mis les pieds dans les Pyrénées. Une espèce qu'il faut préserver, dans les Pyrénées et ailleurs, c'est l'homme, tonne le représentant du monde agricole, bien avant les espèces de mousses ou de chauves-souris. Il y a un manque de sérieux des scientifiques.» «Que sont devenus les espèces après trente ans de Parc national? s'interroge pour sa part Robert Sagne, représentant les chasseurs de Barèges. La diversité a été réduite à deux espèces, l'isard qui n'est pas d'intérêt communautaire et la marmotte qui n'est pas autochtone.»

Source: La Dépêche du Lundi 31 Juillet 2000