Face aux nombreux troubles occasionnés par les ours, des bergers veulent se reconvertir vers une autre profession
Elle se pensait forte, elle qui apporte régulièrement son soutien aux éleveurs victimes d'attaques d'ours sur leur troupeau. Cette fois pourtant, Nathalie Lacoume est celle que
l'on réconforte... ou qui apprécierait de l'être. Lundi soir, l'agricultrice a perdu sa première brebis, retrouvée éventrée sur les hauteurs de Saleix, sur l'estive où paissent
les 800 moutons du groupement pastoral.
La plaie béante laissant échapper l'agneau à naître, mort lui aussi. "J'en ai eu les bras en bas", avoue sans fard cette membre de
l'ASPAP, sous le coup de l'émotion.
Depuis 1991, elle est à la tête de l'exploitation familiale implantée au centre du village de Vicdessos, et de quelque 500 bêtes, dont 250 mères. Elle a succédé à son époux,
qui avait lui-même suppléé son père. C'est dire si la perspective d'abandonner l'élevage ovin blesse l'agricultrice. "Je ne pensais pas en arriver là un jour, reconnaît-elle.
Mais quand on voit le spectacle de cette bête et de son petit morts, on se demande si ça vaut vraiment la peine de partir en montagne à 7 heures du matin pour ne redescendre
qu'à 17 heures.
Déjà le jour du lâcher de Palouma, je m'étais posé la question de l'avenir de notre profession...".
Palouma, justement, retrouvée morte ce week-end au pied d'une barre rocheuse près de Loudenvielle (Hautes-Pyrénées). "Je ne la pleure pas, c'est sûr, mais quand des amis m'ont proposé en riant d'ouvrir une bouteille de champagne, je n'en ai pas eu envie... Je suis atterrée par ce gâchis, tout cet argent balancé pour réintroduire des ours d'abord, indemnisé les éleveurs ensuite, et peut-être maintenant faire venir de nouveaux animaux de Slovénie... Non, décidément, il y a des choses qui m'échappent".
Aujourd'hui, c'est donc l'envie de poursuivre l'aventure ovine qui lui échappe complètement. Du fait des lourds investissements consentis ces dernières années sur l'exploitation et des remboursements inhérents, impossible pour l'éleveur de quitter l'agriculture. "Avec mon mari, nous nous interrogions déjà sur une réorientation de notre production au printemps dès les premiers lâchers. Aujourd'hui, nous n'avons pas encore choisi mais nous étudions diverses possibilités", sourit la mère de quatre enfants, âgés de 5 à 12 ans.
Car c'est à eux que Nathalie Lacoume pense principalement, notamment depuis la mort de sa brebis: "Pour la première fois de leur vie, nous les avions emmenés en vacances cette semaine. Nous étions à Saint-Jean-de-Luz depuis samedi quand il nous a fallu rentré précipitamment... En avril, lors de la réintroduction de Palouma, Mme Olin avait exhibée une enfant en pleurs devant les éleveurs en colère en nous affirmant que nous brisions les rêves de cette enfant qui attendait de voir un ours gambader librement. Cette fois, c'est l'ours de Mme Olin qui a tué les rêves de mes quatre enfants!".
Et ceux de leur mère avec. Instigatrice, avec Philippe Lacube notamment, de l'ASPAP, elle avoue ne plus y croire tout à fait. "Je crains que n'ayons perdu...", soupire-t-elle.
Auteur: Nicolas Hubert
Source: La Dépêche du Midi du 31 aout 2006