L’introduction de bouquetins dans le Vercors n’a posé aucun problème social. L’acceptation sociale semble acquise. Du moins dans l’immédiat. Et c’est sans doute là que l’expérience peut être intéressante pour les autres régions de montagne qui voudraient se lancer dans une telle opération.
Contrairement au loup ou à l’ours, avec le bouquetin, il ne s’agit pas de prédateurs qui vont détruire des troupeaux c’est-à-dire l’outil de travail des éleveurs / bergers, premiers occupants humains des territoires. Néanmoins, la problématique des états de chargement des alpages, tout comme celle des maladies pouvant être véhiculées lorsqu’il y a un trop grand nombre d’animaux, n’est pas posée et ne fait pas l’objet d’une étude et d’un accord préalable à ces introductions. C’est tout le problème entre protection / conservation et régulation d’espèces protégées dans des zones non moins protégées qui n’est pratiquement jamais abordé et réglé au départ du projet.
Les mouvements écologistes, le plus souvent intégristes, techniquement et scientifiquement incompétents et mus par une volonté idéologique de «tout sauvage» estimeront que ce sont les prédateurs qui peuvent assurer une régulation et non la chasse. Par ailleurs, les chasseurs sont favorables à de telles introductions comme ils l’ont d’ailleurs été pour l’ours et, certains encore, sont favorables au loup. Mais très vite, le monde cynégétique a déchanté lorsque ses droits se sont vus réduits au nom de la protection. Au milieu de ces incohérences, les éleveurs qui en font toujours les frais.
Du côté des protectionnistes, l’idéologie, avouée ou non, du tout sauvage, prime. Certains préconisent un retour en arrière de 2000 ans en ignorant que, déjà à cette époque le pastoralisme existait.
Les randonneurs plus ou moins contemplatifs sont plutôt satisfaits de voir le retour d’une faune sauvage sur leur terrain de jeu. Mais comme certains chasseurs, ils n’imaginent même pas une réduction de leur liberté de circulation. Par ailleurs, ils n’ont aucune idée des conséquences possibles sur les paysages que pourraient avoir un ensauvagement de la montagne.
En fait, l’écologie est un équilibre délicat entre l’action de l’homme et de ses bêtes sur les paysages qui conditionnent la présence de certaines espèces. Le chasseur, comme l’éleveur y ont leur place pour que le randonneur y trouve son compte. Le gros problème reste l’environnementaliste sectaire représenté par des associations motivées par deux choses: l’idéologie du «tout sauvage» source de conflits indispensables pour justifier des financements publics et privés pour soi-disant défendre la nature… sous-entendu sauvage, où l’homme, chasseur comme randonneur ou berger, n’a pas de place.
Jusqu’où iront le Vercors et ses occupants traditionnels, les éleveurs / bergers? C’est cette expérience qui est intéressante à suivre.
Louis Dollo, le 10 janvier 2013
Trop chassé, le bouquetin avait fini par disparaître du Vercors. En 1989, 6 mâles et 5 femelles ont été capturés dans le massif de la Vanoise, ils ont été transportés, endormis dans la Réserve Naturelle des Hauts-Plateaux. Drôles de farces! Ils ne reconnaissaient plus rien en se réveillant. Puis, ils se sont habitués aux falaises du Vercors et cinq petits bouquetins sont nés l’année suivante. Le massif du Vercors abrite maintenant six ongulés sauvages, ce qui est rare en Europe.
Extrait de "Dis, raconte-moi le Vercors", PNRV, 1997.