Comme pour pratiquement tous les Parcs Nationaux de France, les délibérations des communes sur l’adhésion aux chartes ont débouché sur une remise à plat des réalités locales: rejet ou acceptation des contraintes écologiques. Le Parc National de la Vanoise n’est pas exclu de ce débat conséquences de nombreux excès réglementaires imposés sans concertation préalable de la base et pratiquement toujours orientés contre les populations autochtones qui ont toujours vécu et su protéger leurs territoires.
Ce type de réactions liées à un sentiment justifié de spoliation territoriale au profit d’une administration fort peu démocratique se retrouve dans le monde entier. Ce n’est pas tant la notion de protection qui est remise en cause que le concept même de «Parc National» inadapté au respect des uses, coutumes, traditions locales et, de surcroit, s’affranchissant de toutes règles de fonctionnement véritablement démocratiques.
Bonneval-sur-Arc (France) - Premier parc national créé en France, le parc de la Vanoise célèbre samedi ses cinquante ans de combat pour la préservation de la faune et de la flore alpine, dans un climat d'amertume entre fronde des stations de ski et mauvaise humeur des bergers.
Créé par un décret du 6 juillet 1963, le parc national de la Vanoise a été initié dès 1955 quand le conseil général de Savoie s'est prononcé à l'unanimité en faveur d'un «parc national culturel».
L'idée est alors «que les montagnes de France soient comme des îles où les citadins puissent venir respirer», se souvient Gilbert André, rédacteur du projet et maire de Bonneval-sur-Arc pendant près de 40 ans.
Le parc envisagé ne se réduit alors pas à la seule préservation de la faune et de la flore mais aborde la protection des villages alpins, l'agriculture et l'éducation.
«J'avais un projet pour les hommes. Quand les parcs nationaux ont été créés, c'était très bien mais c'était incomplet», estime Gilbert André, regrettant qu'ils aient pris la forme d'un «catalogue d'interdictions».
Cinquante ans après sa création, le parc bénéficie d'un impressionnant bilan en matière de protection de la nature: sauvetage du bouquetin (passé de 50 à 1.800 individus), reproduction des chamois (4.000 aujourd'hui) et des aigles royaux, recensement des 80.000 espèces de plantes, etc.
Mais il n'est toujours pas parvenu à susciter l'adhésion des populations.
Les festivités prévues dimanche au petit village de Termignon ont ainsi été annulées sous la pression des éleveurs de moutons qui menaçaient de manifester contre le manque de protection dont pâtissent leurs troupeaux face aux attaques du loup.
En 2012 déjà, 26 des 29 communes de l'aire d'adhésion avaient émis un avis négatif au projet de nouvelle charte du parc, menaçant de réduire celui-ci à la portion congrue.
«La situation est grave mais pas désespérée», résume Philippe Lheureux, directeur adjoint du parc.
«Ces 50 ans, c'est un peu la grimace»
La fronde vient essentiellement des stations de ski, qui reprochent au parc d'entraver leur développement touristique.
Val Thorens, Courchevel, Tignes, Val d'Isère: la Vanoise compte sur son territoire quelques-unes des plus grandes stations d'Europe, qui n'ont besoin ni de ses moyens financiers, ni de sa notoriété pour attirer les touristes.
«Le parc ne doit pas s'occuper des pistes de ski, des remontées mécaniques ou de l'urbanisme», proteste Marc Bauer, le maire de Val d’Isère, rappelant qu'il a été créé pour «protéger le bouquetin et les edelweiss».
«Les purs et durs souhaitent en faire un sanctuaire. Nous voulons que ce soit un espace protégé mais ouvert aux citadins», dit-il, critiquant une «signalétique négative» du parc centrée sur des interdictions, les refuges vieillissants et les sentiers «pas formidables». «Si c'était à refaire, ce n'est pas sûr qu'on resignerait», confie-t-il.
Dès 1969, les oppositions entre écologistes et stations de ski s'étaient cristallisées autour du projet avorté de création d'une station de ski au cœur du parc, Val Chavière.
Aujourd'hui, ce conflit perdure avec le projet de liaison par téléphérique entre Bonneval et Val d'Isère, qui traverserait le cœur du parc.
«C'est hors de question!», s'énerve Yves Paccalet, administrateur écologiste du parc, dénonçant un «délire constructiviste de quelques conseillers municipaux».
«Ces 50 ans, c'est un peu la grimace», lâche l'élu régional, qui a «l'impression de répéter ce qu'on disait déjà en 1963».
Pour les villages traditionnels de la vallée de la Maurienne, comme Bonneval-sur-Arc, le parc devrait être un faire-valoir. Mais la richesse des stations de Tarentaise exerce un pouvoir d'attraction plus fort encore.
Le président du parc, Alain Marnézy, également maire d'une commune de Maurienne, dit ainsi comprendre «totalement» le maire de Bonneval. «Pour eux, cette liaison est une question de vie ou de mort», affirme-t-il.
«Aujourd'hui, le ski semble avoir atteint un pallier», relativise-t-il toutefois. «Il faut diversifier le tourisme et, dans cette optique, le parc est un atout», veut-il croire.