En fait, les secouristes occasionnels (sans que le terme ne soit péjoratif mais utilisé ici en opposition avec les secouristes professionnels du secours en montagne) auront à faire
des choix parfois déchirant face à des situations dramatiques tel que: déplacement d'un polytraumatisé, PLS (Position Latérale de Sécurité) ou non en fonction du type de lésions
pouvant entraîner d'autres effets, etc... L'important pour ce secouriste est de pouvoir toujours justifier son comportement et l'expliquer.
Par exemple:
doit-on laisser un blessé dans une zone avalancheuse ou le déplacer en prenant le risque d'aggraver sa blessure?
Il n'y a pas de réponse toute faite. Il appartient à chacun de décider et de pouvoir expliquer son choix.
En dehors des aspects préventions vus plus haut, dans quels cas peut-on parler de secourisme pratique?
Compte tenu des moyens modernes dont nous disposons en France et en Europe occidentale pour intervenir efficacement et rapidement et si la course en raquette à neige est bien préparée, la notion de secourisme pratique pour des amateurs et secouristes occasionnels peut s'appliquer à des situations très limitées. On citera en particulier:
- Les accidents d'avalanches;
- Les chutes de barres rocheuses ou de crevasses (et accessoirement dans des trous divers tel que sur des lacs);
- Les plaies occasionnées par un instrument tel que piolet ou crampons (avec ou sans hémorragie);
- Les foulures, entorses ou fractures de membres.
- La colonne vertébrale
- Les accidents provoqués par le froid
- Les traumatismes divers
- Les pathologies bénignes en montagne
Ce sont les cas d'accidents les plus courants que nous allons essayer d'analyser en donnant quelques indications sur la conduite à tenir face à chacun d'eux. Il faut toutefois noter que la conduite à tenir devant ces cas doit être concomitante avec une bonne préparation de la course, une réaction des gestes et comportement de survie (voir § 1 ci dessus) et l'alerte.
- A - Les accidents d'avalanches
Le risque d'avalanches doit être la préoccupation majeure du pratiquant de la montagne hivernale. Pour cette raison il doit:
- Prendre toutes dispositions pour prévenir ce risque
- Disposer du matériel nécessaire pour faire face aux accidents d'avalanche.
Face à un accident d'avalanche, le "secours" se passe en deux temps:
- La recherche de la (ou les) victime;
- Les soins à la (ou aux) victime
Sans oublier de donner l'alerte tel que vu plus haut.
+ La recherche des victimes.
Dans ce chapitre, nous excluons l'idée que le randonneur en raquettes à neige parte en montagne sans un ARVA, une pelle et une sonde. Ce trio est obligatoire pour chaque membre du groupe.
Nous ne rentrerons pas dans le détail de l'usage et de la technique de recherche de chaque type d'appareil qui doit être en principe vendu avec son mode d'emploi. Nous ne donnerons ici que quelques grands principes avant de vous renvoyer vers les excellents ouvrages édités par l'ANENA(1) (Association Nationale pour l'Etude de la Neige et des Avalanches).
+ Comment réagir à la suite d'une avalanche dans laquelle un (ou des) membre du groupe est enseveli?
Quelques règles sont à mettre immédiatement en oeuvre car une personne ensevelie a le maximum de chance de survie si elle est sortie dans les 15 minutes qui suivent:
- Mettre le groupe en sécurité en dehors de la zone à risque et plus particulièrement les personnes affolées ou ne connaissant pas le maniement de l'ARVA;
- Mettre en place un "guetteur" avec un moyen d'alerte (sifflet, cris...) pour prévenir en cas de nouvelles avalanches afin d'éviter le "sur-accident";
- Mettre tous les ARVA en position "réception" afin de ne pas créer d'interférence lors de la recherche;
- Si possible, faire donner l'alerte immédiatement (après avoir fait l'inventaire des personnes ensevelies) par deux personnes capables de redescendre sans problème dans la vallée;
- Recherche tous les indices pouvant apparaître à la surface de l'avalanche;
- Faire un examen rapide des zones privilégiées où une victime pourrait être retrouvée: bas de l'avalanche (cône d'accumulation), replats, amont des obstacles, etc....
- Faire un balayage systématique de l'avalanche (ARVA en réception) à une ou plusieurs personnes ;
- Dans le cas où il y aurait plusieurs disparus, ne pas se concentrer sur le premier signal perçu;
- A la réception d'un signal, affiner la recherche par la méthode classique en croix ou une méthode préconisée par le fabriquant. Il est néanmoins recommandé d'utiliser la méthode en croix lors de la phase finale de recherche, appareil au sol, en réduisant le potentiomètre, en déplaçant l'ARVA parallèlement à lui-même et en jouant sur l'intensité du signal;
- Affiner la recherche par un sondage de la zone réduite que vous aurez déterminée. Les sondes auront pu être préparée préalablement par le groupe resté en retrait et que vous pouvez faire intervenir au dernier moment;
- Dégager la neige sur la victime, à la pelle, et enlever la neige dans les vêtements;
- Eteindre l'appareil de la victime dès que celle-ci est trouvée et traiter ses blessures
- S'orienter vers les autres victimes potentielles
+ Comment traiter la victime d'une avalanche?
L'état de la victime peut être très différent selon la nature du terrain et de la neige qui l'aura enfouie. En général, vous aurez affaire à un polytraumatisé. Il faudra donc traiter le blessé avec beaucoup de précaution en évitant de le sortir en tirant précipitamment par un membre ou autres excès de ce type. Il faudra le dégager largement, faire un examen rapide et éventuellement l'évacuer vers une zone sans risque en bordure de l'avalanche si des risques potentiels de coulées existent encore.
Si la victime ne respire plus ou n'a plus d'activité cardiaque et si vous avez les compétences nécessaires, vous pouvez pratiquer un massage cardiaque et une respiration artificielle (bouche à bouche) en attendant l'arrivée des secouristes professionnels.
Un ARVA ça sert à quoi? Et la pelle? Et la sonde?
On entend parfois des observations ou des affirmations surprenantes tant sur les avalanches que sur l'usage spécifique du matériel de secours. On notera ci-dessous quelques-unes unes de ces réflexions:
- On a des ARVA on ne craint rien. L'ARVA n'est pas un appareil "renifleur" d'avalanches pas plus qu'une assurance tout risque. Il permet simplement de rechercher une victime elle-même équipée d'un ARVA et à la condition de savoir s'en servir pour rechercher;
- Je ne sais pas utiliser l'ARVA donc j'en prends pas. Aller en montagne s'apprend comme faire du vélo, conduire une automobile, nager, etc.... Il suffit d'apprendre à se servir du matériel spécifique pour la montagne hivernale avant de s'engager. Il faut aussi s'exercer régulièrement et contrôler son matériel;
- Je ne sorts qu'en forêt ou des endroits où je suis déjà allé sans problème. Attention! Même si les arbres peuvent constituer des encrages naturels, le risque d'avalanche n'en est pas pour autant éliminé. De plus en cas de coulée, vous risquez les collisions avec les arbres. Même si vous êtes déjà allé à un endroit sans problème, dans d'autres conditions les risques peuvent exister. La neige n'est pas un élément stable. Elle peut changer souvent même dans une journée;
- L'ARVA ne sert effectivement à rien s'il n'est pas branché, si tout le groupe n'est pas équipé, s'il est dans le sac (en cas de chute dans une avalanche, on risque de retrouver le sac mais pas la victime), si les piles sont usées, si on ne contrôle pas son fonctionnement. L'ARVA est un matériel comme un autre, indispensable et obligatoire;
- L'ARVA coûte trop cher! Et la vie a-t-elle un prix?
- L'ARVA n'est pas une assurance vie. Ca ne garantie pas contre les avalanches. Non! Mais ça peut aider.... Comme une corde....
- La pelle c'est trop lourd. J'en prends pas! Faites l'inventaire de ce qui est trop lourd dans votre sac et... partez sans sac ça sera plus léger... On peut toujours creuser avec les mains ou les raquettes. Et bien essayez en chronométrant le temps. Sachant que les chances de survie se situent dans les 15 mn de l'enfouissement... trouvez la solution au problème.
- La sonde? Encore un matériel de plus..... Et 200 gr! Essayez de peaufiner votre recherche en allant le plus vite possible (toujours cette course aux 15 mn) et on en reparlera!
- Je prends qu'une pelle et une sonde pour le groupe. C'est moins lourd et puis c'est du matériel collectif. Pourquoi pas? Surtout si c'est le porteur du matériel collectif qui est sous l'avalanche! Il vous sert à quoi ce matériel dans ce cas?
ARVA, pelle, sonde sont des matériels indissociables, individuels et obligatoires pour toute pratique de la montagne hivernale quel que soit le lieu ou la durée.
L'entraînement à l'usage de l'ARVA et le contrôle du bon fonctionnement de ce matériel doit être régulier. Il est possible de le faire même l'été en cachant l'ARVA dans la nature (buisson, herbe, sac, etc...). Ce peut être un jeu avec des enfants.
- B - Les chutes
En raquette, les chutes peuvent être de diverses natures: glissades sur pentes gelées, crevasses sur glaciers, barres rocheuses, trous au-dessus d'un torrent ou d'un lac, etc...
- Les glissades sur pentes de neige dure ou gelées.
Les conséquences sont à traiter comme des plaies ou des brûlures ou au pire comme des fractures. La recommandation sera donc de prévenir en ayant des vêtements à manches longues (pas de bras nus) et éventuellement en chaussant les crampons au lieu des raquettes. - Les crevasses.
Toutes les précautions liées à l'évolution sur glacier devront être prises. - Les barres rocheuses.
Une traversée au-dessus d'une barre peut entraîner une glissade du randonneur ou du manteau neigeux entraînant le randonneur. La chute peut avoir des conséquences multiples: plaies, fractures, polytraumatisme, etc..... - Les trous d'eau sont bien souvent fatales aux victimes.
Il est donc conseillé pour la traversée de certain torrent de prendre les même précautions que sur un glacier, éviter la traversée des lacs et s'interdire toute traversée de lacs de barrage dont le niveau de l'eau sous la glace peut varier. En raquette, il n'existe pas la même portance qu'à skis. La plus grande vigilance est donc recommandée.
- C - Les plaies
Les plaies seront traitées de manière très simple: emballage (bande, compresse, etc...) sans produit colorant et évacuation. En cas de saignement important ou d'hémorragie, utiliser un pansement compressif.
- D - Les lésions aux membres et articulations
Moins courant qu'à skis, les foulures et entorses ne peuvent pas être exclus des risques de la pratique de la raquette. Il suffit de mal retomber ou de ne pas avoir bloqué le talon de la fixation lors d'un saut pour que le mal survienne.
- Les fractures de membres sont assez peu courantes sauf dans le cas d'une chute ou d 'une glissade. On reconnaît les fractures par une douleur vive au niveau de l'os atteint (il suffit d'appuyer légèrement la main sur la partie suspecte pour que la victime ressente une vive douleur très localisée de l'os), une impotence fonctionnelle ou parfois une déformation du membre. Le traitement de la fracture (en général la jambe) nécessite bien souvent une immobilisation du membre avec les moyens de fortune dont on dispose (bâtons de ski, piolet, anorack et l'autre membre valide, etc... Dans le cas d'une fracture du fémur (beaucoup plus choquant que le tibia ou le péroné) une défaillance circulatoire est toujours à craindre. On évitera de déplacer la victime. Dans tous les cas, desserrer la chaussure sans l'enlever.
- Les entorses de la cheville et du genou sont les plus fréquentes. Elles se manifestent par une douleur continue mais supportable et l'apparition d'un léger oedème. Le traitement est simple: application de froid, faire un strapping très serré et reprise immédiate de la marche. Dans les cas plus graves (on perçoit un bruit à l'extérieur de l'articulation et formation d'un oeuf de pigeon et / ou d'une large ecchymose), même traitement que ci-dessus mais envisager une évacuation.
- E - La colonne vertébrale
La moindre douleur à la colonne vertébrale doit être traitée comme une fracture. Tout déplacement peut avoir des conséquences fatales pour la victime. On se limitera donc à recommander de maintenir la victime allongée et de demander du secours. Il est aussi possible de laisser la victime dans la position qui lui convient le mieux.
- F - Les accidents provoqués par le froid
Par ce terme, il faut essentiellement entendre "gelures". Celles-ci sont très vite reconnues par les victimes elles-mêmes sans que l'on ait à faire de diagnostique particulier. Dans nos montagnes européennes, ce des lésions qui se manifestent surtout aux extrémités (orteils et doigts) et moins fréquemment sur d'autres parties du corps (nez, pommettes des joues, oreilles). Le traitement est simple: redescendre en vallée. On notera surtout ce qu'il ne faut pas faire face à une gelure:
- Ne pas enlever les chaussures;
- Ne pas flageller ou frictionner avec de la neige;
- Ne réchauffer localement que si vous avez la garantie d'un maintien dans un lieu chaud;
- N'utiliser aucun médicament (vasodilatateur) sans avis médical.
- G - Traumatismes divers
On pourrait bien sûr parler de nombreux autres traumatismes tel que brûlure (avec une corde ou autres moyens), les luxations, les ampoules, les saignements de nez, les diverses complications liées aux traumatismes ci-dessus ou aux fractures ouvertes, l'asphyxie, les problèmes cardiaques, etc....
Pour en savoir plus, nous vous recommandons les cahiers techniques de l'ENSA (2).
Notes:
1 - ANENA, 15, Rue Ernest Calvat - 38000 Grenoble - Tel: + 33 (0)4 76 51 39 39
2 - ENSA (Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme), 74400 Chamonix - Tel: 04 50 55 31 30. "Secourisme pratique dans la pratique du ski alpin", "Reconnaître et traiter les
petits traumatismes en montagne" et "Les accidents provoqués par le froid".