L'appellation A.O.C. Jurançon est située dans le piémont pyrénéen béarnais, à l'extrémité Sud-Ouest de la France. Elle est bordée à l'ouest par le vignoble basque d'Irouléguy,
au nord par celui du Tursan landais, au nord-est par le Madiran et le Vic-Bilh et plus au sud, "tras los montes", par le Rioja espagnol.
Seuls environ 800 ha sur les près de 1.000 plantés ont droit à l'appellation et produisent bon an mal an environ 30 à 35.000 hectolitres au total, dont 60% de vin
blanc sec, et un blanc moelleux incomparable.
Dans ces communes, les parcelles de vignobles doivent être reconnues aptes à la production de vin de Jurançon. La surface totale est de l'ordre de 600 ha. Les parcelles sont à flanc de coteaux
exposés sud-sud-est c'est-à-dire à l'abri des vents dominants (Ouest). Les pieds de vigne sont en principe plantés dans le sens de la pente ou bien en terrasse lorsque la pente est trop
forte. Les cépages utilisés sont le petit manseng, le gros manseng, le courbu, le camaralet et le lauzet. Il n'est planté que 2.800 à 3.000 pieds à l'hectare afin de favoriser la qualité du raisin.
La vigne est taillée à guyot double et elle est conduite en hautain avec un feuillage pouvant atteindre 2m30 de haut.
Abos, Arbus, Artiguelouve, Aubertin, Bosdarros, Cardesse,Cuqueron, Estialescq, Gan, Gelos, Haut-de-Bosdarros, Jurançon, Lacommande, Lahourcade, Laroin, Lasseube, Lasseubetat, Lucq-de-Béarn, Mazères-Lezons, Monein, Narcastet, Parbayse, Rontignon, Saint-Faust et Uzos.
Mais, au cours de la seconde moitié su IXXème siècle, le phylloxéra a fait disparaître pratiquement tout le vignoble.
Grâce à quelques producteurs et la cave des producteurs de Gan le Jurançon a repris tout son prestige. Quelques millésimes exceptionnels y ont contribué comme en 1975 puis de manière plus régulière depuis 1981.
L'Institut national des appellations d'origine contrôlée vient de couronner un travail de pratiquement dix ans, mené sur le périmètre de l'AOC jurançon et jurançon sec. Le 12 février,
en réunion de conseil national, l'INAO a en effet validé la délimitation parcellaire du vignoble, c'est-à-dire la carte des parcelles de terrain plantées de vignes ou non qui
répondent suffisamment aux critères géologiques, topographiques et climatiques de l'appellation. Un moment capital.
Une tentative de mener à bien pareille démarche, qui vise à exclure de l'appellation les terrains les moins convaincants, avait échoué dans les années 70 à 80. La surface de référence restait
donc celle issue du décret de 1936, portant création de l'AOC et revisité par celui de 1977, soit 41 800 hectares répartis sur vingt-cinq communes.
Au terme de travaux d'étude minutieux orchestrés par l'agence locale de l'INAO, en liaison avec les représentants de la profession, les scientifiques et universitaires, il n'y a plus que
6.700 hectares de classés. Le vignoble s'étend aujourd'hui sur un millier d'hectares, dont une moitié sur Monein. Et, fort heureusement, il n'y a que quarante hectares de vignes qui ne figurent
pas dans le périmètre sélectionné. Mais, pas d'affolement pour les quelques vignerons concernés, disséminés aux quatre coins de l'appellation. L'INAO leur laisse vingt ans pour trouver des
parcelles de remplacement dans la zone classée. Un système de plantations anticipées sur trois ans est prévu pour permettre le passage de l'une à l'autre sans perte de récolte.
Savoir scientifique.
Alors, la délimitation parcellaire que les deux syndicats locaux (coopérateurs et indépendants) ont semble t-il sollicité de l'INAO en 1995, à quoi sert-elle? "Principalement, à gagner en
qualité", explique Luc Blotin, ingénieur terroir au bureau INAO de Pau et responsable de la démarche pour le Jurançon. En sélectionnant les terroirs, les vignerons indépendants ou coopérateurs ont
les meilleures chances d'obtenir un produit typique et conforme aux règles de l'appellation. C'est important. Mais les études et analyses réalisées avec le concours du laboratoire de géologie de
l'Université de Pau apportent aussi une foule de données scientifiques et techniques inédites.
Des informations qui peuvent être utiles à tous les professionnels au moment de choisir des sites de plantation en venant renforcer les connaissances réelles de chaque professionnel. Ce qui se
vérifie à Madiran depuis déjà quelques années. La délimitation parcellaire constitue donc un outil important de gestion et d'amélioration de la qualité. A partir de cette année, toutes les vignes
plantées en marge de ces 6.700 hectares ne pourront bénéficier des appellations en vigueur.
Un décret ministériel doit officialiser cette évolution dans les tout prochains jours. Dès lors, il sera possible de consulter les plans des parcelles concernées via le cadastre
dans chacune des communes du jurançon.
Auteur: Alain Babaud
Source: Sud-Ouest du 4 mars 2004
Il sent venir une cuvée 2005 "très aromatique, très fruitée, gouleyante": "Ce sera un grand millésime avec peu de rendement", pronostique Olivier Cours-Husté, un jeune viticulteur (29 ans)
qui s'inscrit dans une tradition familiale attestée depuis le début du XVIIIe siècle, au quartier dit du chemin Lamanet, à Haut-de-Gan. Un linteau de la propriété est daté de 1721. Le maître des
lieux était alors Pierre de Husté. Plus tard, la mariage d'une fille de la maison avec un certain Cours fit associer ce patronyme au précédent. Si d'aventure Olivier oubliait ses origines, le
nom du chemin menant à la propriété, où la culture de la vigne (6,81 hectares dont 6,10 en production) va de pair avec un élevage de moutons, serait là pour les lui rappeler tous les jours:
chemin Cours-Husté... On commence toujours par les rouges, au clos Husté. Ces 40 ares, Jean Cours-Husté, 66 ans, père du précédent, y tient, même s'il a lâché le manche et pris sa retraite, tout
en continuant à s'occuper de tout ce qui a trait à la commercialisation. La première trie, pour les blancs secs, suit de près. "Chez nous, on ne vendange que par beau temps, et jamais avant
10 heures du matin, à cause de la rosée". Mais par exemple, quand c'est l'heure, c'est l'heure, et Olivier veille à ce que la vendange soit rentrée fissa.
Cap bourrut.
Chez les Cours-Husté, on ne fait pas tomber les grappes (trie verte): " Je taille les vignes très courtes; il m'a fallu six ans pour baisser les pieds de 50 centimètres ". Le but recherché est de
favoriser le feuillage pour augmenter le potentiel en photosynthèse.
S'il s'est formé à La Tour-Blanche, dans le Sauterne, l'une des écoles de viticulture et d'oenologie les plus réputées d'Europe, Olivier Cours-Husté fait primer la pratique, et les
conseils de son père. A ses yeux, ce dernier s'est illustré à jamais avec sa cuvée "Dou cap bourrut" l'équivalent de "tête de mule" , en 1996: "Cette année-là, tout le monde avait fini la récolte
et mon père attendait, attendait... Il a enfin décidé de vendanger; deux jours plus tard, il tombait des cordes. Ce fut un super-millésime!"
L'affiliation à la Route des vins a renforcé la notoriété du domaine familial dont les produits se déclinent en une large gamme de secs et de moelleux. Les deux cuvées tardives, la cuvée
"Dou cap bourrut" (32 euros la bouteille) et la cuvée Christelle (25 euros) tiennent le haut du panier; elles sont respectivement mises en bouteilles après 24 et 18 mois en barriques neuves.
L'une des particularités de la maison, c'est que le vin y attend deux ans avant d'être mis en vente. Ainsi Olivier vient d'achever la mise en bouteilles de la récolte 2003. "Personne
ne fait ainsi, mais avoir du stock d'une année sur l'autre, c'est aussi une forme de garantie contre le gel."
La vigne, chez les Cours-Husté, paraît être un savant mélange de sagesse ancestrale et de technicité. Le naturel garde tous ses droits: les traitements contre les parasites sont
à base d'ortie, de presle et de menthe.
Source: Sud-Ouest du 20 octobre 2005
Vignerons indépendants du jurançon et vignerons bio d'Aquitaine se trouvent de remarquables raisons de s'intéresser les uns aux autres.
A Lacommande, une rencontre a permis de proposer aux visiteurs des modes techniques de cultures, de vinification aux premiers, déjà fortement orientés vers l'agriculture raisonnée.
Le Jurançonnais, sur sa cinquantaine de chefs d'exploitations, n'en compte qu'une demi-douzaine certifiés bio: Clos Lapeyre, domaine de Souch, Clos Marie-Louise, Clos Tinou, Gilles Schefchen à
Monein, Michel Valton au domaine Vignau étant en cours de conversion.
Thierry Deschamps (vignerons bio d'Aquitaine) et Pierre Abel Simmoneau (Fédération des vins de l'agriculture biologique) ont ainsi porté un regard sur la charte qui fédère actuellement des
professionnels des autres vignobles du Sud-Ouest de la France (bergerac, entre-deux-mers, médoc, marmandais, duras, etc).
Les Béarnais s'avouent intéressés par ces pratiques qu'ils approchent déjà par leur spécifité économique de polyculture. Certains approchent le "bio" sans en rechercher la certification, ne
serait-ce qu'en maîtrisant leur désherbage naturel.
"Le vin bio progresse de 10 % en Aquitaine" affirme le SVBA et peut donc grossir ses rangs à partir des coteaux piémontais.
Vigilance.
La vigne de Jurançon, disposée en terrasses et donc exploitée d'une manière "très pointue", les propriétaires préservant avec beaucoup d'énergie la typicité de leurs vins, les orientations
présentées ne sont pour déplaire à personne.
Cette prise de contact appellera sans doute d'autres rencontres, mais les viticulteurs présents ont particulièrement dépouillé les obligations proposées par la charte. "Nous restons
vigilants. Nous ne sommes pas de ceux qui prévoient d'acheter des jus de raisins pour faire du vin de Suède!"
Source: Sud-Ouest du 28 novembre 2006