L'orpaillage, recherche artisanale de l'or en rivière, connaît un certain succès dans les Pyrénées notamment en Ariège où plusieurs associations proposent des stages de recherche
d‘or.
Au-delà de cet aspect amateur et touristique, d'autres auront des intentions plus industrielles et financières.
Auteur: Pierre Mathieu
Source: La Dépêche du Midi du 27 septembre 2015
Pourtant, l'or des Basques, certains y croient dur comme fer. Sudmine, une nouvelle compagnie minière «de 36 copains associés», dixit son président (dont des universitaires toulousains), a déposé en novembre 2014 une demande de permis de recherche. S'il est accordé, il lui ouvrira l'exploitation du gisement aurifère dit «de Kanbo». Ce gisement, secondaire, est d'après les spécialistes, constitué de particules d'or détachées au fil des siècles d'un filon primaire. En particulier à Itxassou, au «Camp de César» (photo ci-contre), ce terrain accidenté de dômes et ravins jouxtant la zone industrielle, au-dessus des champs où broutent les vaches, des hérons entre les pattes...
Les recherches ont commencé discrètement: «Fin août, j'ai vu passer une pelle mécanique», confirme Fabien Ezcurra chez Durruty. Si discrètement que les services de l'Etat, en sollicitant l'avis consultatif aux 11 mairies situées sur les 126 km2 de la demande de permis, leur ont interdit de la rendre publique.
De l'or sous les piments?
C'est par des Bretons, également concernés par une demande de recherches de Sudmine, que le Cade, collectif des associations de défense de l'environnement du Pays basque, a été alerté.
«Les zadistes agitent le cocotier!», s'exclame Christian Vallier, géologue orléanais président de Sudmine, et il précise, déjà assuré de ne pas avoir de concurrence: «On va rechercher l'or libre, a priori superficiel, dans des sondages de quelques mètres, on attend l'attribution du permis de recherche, peut-être pour le printemps prochain».
Zadistes? ils n'en avaient pas le «profil», les 150 participants, calmes et interrogatifs, de la réunion d'information organisée par le Cade, vendredi soir à Ustaritz. Cette commune des hauteurs de Bayonne «a donné un avis négatif au projet», annonce le premier adjoint, assis dans la salle. N'en veulent pas non plus: les élus d'Itxassou, Cambo-les-Bains, Sare, Jatxou, Halsou et Saint-Pée -sur- Nivelle. Le maire d'Espelette a répondu oui et on ne sait pas ce qu'il en est des trois dernières, Ainhoa, Larressore et Souraïde. Tous ces noms évoquent de beaux virages dans la verdure, des maisons blanches aux volets sang de bœuf et des produits gourmands.
«La zone convoitée, en forme de cercueil dont la tête est à Cambo et les pieds à Saint-Pée, dit Georges Colomar, l'un des orateurs de la soirée, est en plein dans les appellations protégées du piment d'Espelette et de l'Ossau Iraty (ndlr: dossiers en cours pour le porc Kintoa et la cerise noire d'Itxassou), et la question environnementale est d'autant plus cruciale que la nappe phréatique est très proche de la surface du sol».
«Sudmine se présente modestement en parlant de gisement secondaire, mais on peut craindre qu'il s'agisse d'un cheval de Troie à la recherche du filon primaire, redoute Martine Bouchet, vice-présidente du Cade, et là, bonjour les dégâts, résume-t-elle en montrant les images de Salsigne, dans l'Aude, dernière mine d'or exploitée en France jusqu'en 2004. Avant ce scénario catastrophe, la recherche touchera à un patrimoine jusque là méconnu: les tranchées et les collines dessinant le paysage ont été modelées par les chercheurs, des siècles avant Jésus-Christ, qui en retiraient, d'après l'historien Strabon, «des lames d'or allant jusqu'à remplir la main». Sudmine y croit.
Auteur: Pierre Mathieu
Source: La Dépêche du Midi du 27 septembre 2015
Y a-t-il de l'or au Pays basque?
Oui, il y en a un peu, et en de nombreux endroits. Il s'agit d'un gisement secondaire, résultant de l'érosion d'un filon primaire, dont on trouve des particules fines dans la terre. Dans le grand sud, l'or est encore présent dans les Pyrénées, mais pas seulement, il y en a aussi dans le Massif central et au nord-est de la Dordogne.
A-t-on déjà exploité l'or basque?
Oui, à l'époque antique, et plus du tout depuis. Posidonios cité par le géographe ancien Strabon, avait remarqué que les Tarbelles, précurseurs des Basques avant l'arrivée des Romains, «retiraient de leur sol de grandes quantités d'or». Nos recherches ont permis d'établir qu'il existait là il y a plus de 2000 ans une industrie de l'or, industrie au sens de travail collectif concerté, qui est différente de la collecte des orpailleurs.
Comment faisaient-ils?
L'or étant dans la terre, et d'une densité très lourde, ils ont mis en place un système très rare de récupération des particules d'or en lavant la terre. Pour stocker de l'eau, ils ont creusé de grands collecteurs, avec barrages, canaux et aqueducs et en dessous des tranchées dont la terre, transformée en boue au passage de l'eau, finissait par laisser sur place l'élément le plus lourd: l'or, prisonnier de certaines plantes. Ce qui est aujourd'hui passionnant, c'est de découvrir les traces laissées dans le paysage par cette industrie: elles sont sous nos yeux et quasiment personne ne le sait!
Ce serait donc intéressant de chercher de nouveau de l'or?
Eh bien pas du tout. Les teneurs sont très faibles et pour quelques farfelus qui vont arriver avec des pelles mécaniques et repartir avec une poignée d'or en laissant des trous partout, on va perdre le vrai trésor, qui est historique. Exploitons plutôt une route de l'or, qui racontera l'histoire de l'or antique, et même le mythe de la toison d'or: certains anciens, à la place des plantes censées recueillir le précieux métal, utilisaient des peaux de moutons...
Propos recueuillis par Pierre Mathieu
Source: La Dépêche du Midi du 27 septembre 2015
L'Agenais Stéphane Magrin, 48 ans, est chercheur d'or professionnel, en Ariège. «J'ai trouvé ma plus belle pépite d'or lundi dernier dans le Salat. Ce n'est pas la plus grosse, il ne pèse qu'un gramme mais elle est magnifique de par sa forme tourmentée (photo du titre) . Je pratique l'orpaillage depuis 1987 et en tant que professionnel depuis 2012.» Originaire d'Agen, Stéphane Magrin a commencé à prospecter un petit ruisseau du Lot-et-Garonne puis la Garonne. «Comme je n'avais pas de résultats, j'ai décidé de suivre un stage de trois jours à Prat-Bonrepos, en Ariège. Là, j'ai appris les bases comme le maniement de la batée, du sluice... Puis, je suis parti dans les Cévennes où j'ai rencontré un ancien mineur qui m'a tout appris. Il m'a livré tous ses secrets.» Suite à cette rencontre, les recherches aurifères de Stéphane Magrin font un boom. «J'ai commencé à trouver des grains et des pépites d'or. Aujourd'hui, chercher de l'or est toujours pour moi une passion dévorante.» Stéphane a besoin d'un arrêté préfectoral pour l'exercer car il utilise du matériel motorisé. «Ce qui me plaît le plus, c'est de parvenir à localiser l'or plus que de le trouver.» Le chercheur d'or a déjà passé un mois dans les montagnes de Californie aux Etats-Unis et doit reconnaître que c'était moins bien qu'ici, en Ariège. «Pour trouver de l'or, ce n'est pas la peine de partir si loin», avoue-t-il
Aujourd'hui, Stéphane organise des stages d'initiation à la recherche d'or en août et septembre. «Je communique sans problème mon savoir mais je ne donne pas les endroits où je trouve de l'or.» Pour son compte, il cherche de l'or dans les rivières 18 jours par an en moyenne, ça correspond à mes jours de congé.» Le reste du temps, Stéphane Magrin a un vrai métier. Il est maçon.
(contact: chercheurdor09@sfr.fr. Tel.06.34.69.77.21)
L'Ariègeois David Bruno, 42 ans, cherche de l'or depuis plus de 20 ans, «un peu partout sur terre. J'ai commencé en France puis j'ai participé à plusieurs championnats du monde de chercheurs d'or qui m'ont mené en Autriche, Espagne, Afrique du sud, Canada, Italie du Nord...» Avec le temps, David Bruno s'est rendu compte qu'il était «plus fréquent que ce que l'on pense de trouver de l'or... en petites quantités.»
Tout a commencé pour lui, au lycée Fonlabour d'Albi où il étudiait. «L'année où est sorti le film Germinal, j'ai dû faire un exposé sur les ressources minéralogiques de l'Ariège et j'ai découvert son potentiel aurifère. J'ai voulu tout simplement en trouver!» David Bruno s'est alors procuré le matériel de base et est parti prospecter l'Arget, «c'est la rivière qui coule juste en dessous de chez moi.» Bonne pioche lors de cette première tentative, il ramène «une petite particule d'or.» Vingt ans plus tard, il continue à chercher. «J'ai toujours la fièvre de l'or, comme on dit». Plutôt que les grandes rivières comme le Salat, il préfère «fouiller» des ruisseaux plus confidentiels de l'Ariège«car on y fait des trouvailles moins nombreuses mais plus jolies.» Même s'il a souvent rêvé d'or, David Bruno n'a jamais perdu a tête. Au contraire, il garde les pieds sur terre. Normal pour ce jardinier de métier!
Basé à Lavelanet, Jimmy Benard, 37 ans, est en train de monter le projet «Orpaillage Aventure». Il souhaite proposer des stages à la journée ou demi-journée aux enfants et aux adultes pour fouiller les cours d'eaux du département à la recherche d'or. «L'orpaillage a toujours fait partie du patrimoine ariégeois. Vu les quantités qu'on trouve, ça reste un loisir et ça continue de faire rêver.» Il veut créer une activité mobile, «on se déplace sur l'Ariège, le Salat... j'enseigne le maniement du pan américain, l'utilisation des lampes de lavage...»
Auteur: Pierre Mathieu
Source: La Dépêche du Midi du 27 septembre 2015